Aimer comme Jésus – homélie du dimanche 25 octobre 2020

 

Aimer comme Jésus

 

        La situation actuelle de notre pays, avec l’affaire de ce professeur décapité devant son collège, a marqué durement l’opinion, déjà très éprouvée par la recrudescence de la pandémie du Covid 19. Dans ce contexte d’anxiété et de peur, la parole de Dieu de ce jour, centrée sur l’amour semble en total décalage avec nos préoccupations du moment. Et les prises de paroles, venant de divers courants politiques ou de médias, ne sont pas toujours marquées du souci de l’amour ; loin de là. D’où ma question : l’amour peut-il avoir sa place dans une affaire comme celle que nous venons de vivre, où règne la violence sous toutes ses formes ?

        L’émotion suscitée à la vue de cet assassinat, devant la souffrance des proches de la victime, de sa famille, de ses collègues, de ses élèves peut être qualifiée comme un signe d’amour. C’est un amour de communion au martyr de ce professeur, à la douleur de ceux qui le pleurent ; c’est une sympathie envers eux, au sens fort de sympathie ‘souffrir avec’. Et il est heureux que cette dimension de l’amour existe et ait pu être visible à ce moment-là.

        Pour autant est-ce cet amour dont veut parler Jésus ? Même s’il ne l’exclut pas, il me semble qu’il va plus loin. Et ce qui me fait dire cela, c’est le fait qu’il réunit les deux amours, amour de Dieu et amour du prochain. On a toujours tendance à séparer les deux, jusqu’à les opposer, en caricaturant de la façon suivante : un tel est tout engagé envers son prochain mais ne reconnaît pas Dieu, tel autre ne pense qu’à ses dévotions personnelles envers Dieu en oubliant son prochain. C’était un peu dans cette opposition que les pharisiens voulaient enfermer Jésus.

        Or en jumelant les deux amours, Jésus va sortir de ce piège. En faisant appel à l’amour que Dieu ne cesse de manifester à notre humanité (à son peuple…cf. La première lecture), il donne le sens de l’amour, son origine, et de la sorte il nous dit ce que c’est d’aimer. Il nous en montre l’exigence, qui n’est pas seulement de l’ordre d’une bonne morale, mais qui est la façon-même d’aimer de sa part. Pour cela il n’a pas craint de prendre des positions courageuses face aux responsables religieux en osant profaner le sabbat pour guérir un malade, il a accueilli des pécheurs publics, des prostituées en affirmant qu’ils étaient les préférés de son Père ; tout cela l’a conduit à la croix. En ce moment on parle volontiers de bienveillance, et c’est tant mieux ; il y en a bien besoin dans nos rapports humains.

        Mais quand les circonstances sont de l’ordre de la tragédie, et qu’elles suscitent une forte et légitime émotion, nous serions tentés par des réactions primaires de condamnation, de vengeance, d’accusations, en nous drapant dans notre bonne conscience : le mal d’un côté, le bien de l’autre. Dès lors il est bien difficile de faire entendre ne serait-ce qu’un questionnement sur cette actualité douloureuse, ou bien un appel à la concorde, ou à un désir de comprendre. C’est ici que la loi de l’amour selon Jésus, amour qui ne sépare pas Dieu et le prochain peut ouvrir une brèche dans cette spirale de violence verbale et physique.

        Que nos paroles et nos commentaires soient toujours empreints de cet amour. Ce sera un beau témoignage de notre foi en ce Dieu qui nous a aimés totalement en Jésus.

André Jobard

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