C’est bizarre ! – homélie du dimanche 17 mars 2019

        « C’est bizarre ! » C’est ce que Noé, un jeune de l’aumônerie, a dit hier matin, après avoir lu ce passage d’évangile. « C’est bizarre ! » C’est peut-être ce que se disaient Pierre, Jean et Jacques, disciples de Jésus, en descendant de la montagne après avoir vécu ce moment bizarre au point de ne « rapporter à personne rien de ce qu’ils avaient vu ». Ils risquaient d’être pris pour des fous, d’autant qu’ils n’étaient pas fiers. Ils n’en menaient pas large « quand ils pénétrèrent dans la nuée. Ils furent saisis de frayeur. » C’est bizarre ! C’est sans doute ce que pensaient les premiers chrétiens quand ils se racontaient cet événement auquel ils ont donné un nom bizarre : la Transfiguration.

        Dans la Bible, Dieu a souvent le sens du spectacle quand il veut frapper les esprits. On l’a entendu avec cette histoire où Dieu fait passer une torche enflammée entre des quartiers d’animaux pour faire alliance avec Abram. C’est plus que bizarre. De même, le jour de la Transfiguration, la mise en scène est soignée : le lieu, l’effet de surprise, la blancheur, la lumière, les apparitions, la nuée, la voix mystérieuse.

        Pour faire comprendre petit à petit aux disciples que l’Homme Jésus est son Fils, Dieu a ainsi glissé dans la la vie quotidienne de Jésus, vie de marche, de prière, d’enseignement, de partage, de service et de soins aux autres, des moments où la révélation de la vraie nature de Jésus s’accélère. Les catéchistes d’aujourd’hui les appelleraient des « temps forts ». La Transfiguration est un de ces temps forts. Elle annonce le temps fort final, la Résurrection.

        Aujourd’hui, notre vie est marquée par des temps forts qui interrompent le quotidien : une fête, un examen, un voyage. De même sur notre chemin avec Dieu, il y a le quotidien de la prière, souvent dans la solitude, en intimité avec lui. Et il y a des temps forts qui paraîtraient bizarres à celui qui y serait invité sans rien connaître de la foi et des rites des chrétiens.

        Vous qui êtes en 5ème, vous avez déjà connu des temps forts. Certains se souviennent de leur baptême. Tous peuvent évoquer leur première communion, quelques-uns leur confirmation. Cette année sera marquée par un temps fort particulier : votre profession de foi. Vous serez invités dans quelques semaines à reprendre à votre compte ce dépôt de la foi que vous avez reçu de vos parents et de l’Église. Ce moment sera un temps fort pour vous, pour la communauté paroissiale et pour vos parents qui vous ont accompagnés jusque-là. Il y a aura du blanc, de la lumière, des chants, de l’émotion, des photos. Le lendemain vous serez rendus au quotidien, comme Pierre, Jacques et Jean descendant de la montagne. Vous aurez à décider avec vos parents de la suite de votre chemin avec Dieu. Pour certains de vous il y a aura d’autres temps forts : la confirmation, le mariage, peut-être le vôtre, la participation aux JMJ ou un séjour à Taizé…

        Pour tous il y aura des temps personnels vécus seuls avec Dieu ou partagés avec d’autres de réflexion, de relecture de votre vie, de décisions sur ce que vous voulez être, à la lumière de ce que vous avez reçus. Ainsi aujourd’hui vous êtes invités, et nous le sommes tous avec vous, à vous demander comment devenir semeurs de fraternité ?

        Embarqués sur la même planète, gardiens de la Création, que faisons-nous de nos frères et sœurs plus pauvres, exploités, migrants, dépossédés… ? Qu’est-ce qui est à ma portée, individuellement ou collectivement, pour faire advenir plus d’équité dans la répartition des richesses ? Dans la protection du bien commun ?

Vincent Boggio

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