Comme je vous ai aimés
De ce passage d’évangile émane une émotion particulière. C’est le début du dernier discours de Jésus à ses disciples avant qu’il soit livré. Il sait que sa Passion et sa mort sont désormais tout proches puisque Judas, le traître, vient de quitter la pièce où se déroule le dernier repas de Jésus avec ses disciples. « C’est pour peu de temps encore que je suis avec vous ».
Ce discours se relit et se médite le cœur serré comme l’était sans doute le cœur de Jésus quand il l’a prononcé et celui des disciples qui l’ont écouté. Il a la valeur d’un testament. En le remettant à ses disciples, Jésus nous le transmet aussi car il sait que l’Esprit Saint dont il annonce sa venue dans la suite de son discours prendra sa relève. Il a confiance dans l’action de l’Esprit. Par lui ses disciples feront vivre sa Parole pour que nous puissions la recevoir ici aujourd’hui.
C’est avec émotion mais aussi avec une tendresse inhabituelle que Jésus parle aux onze disciples, qu’il nous parle, la tendresse d’un père et même d’un grand-père. Lui qui a eu pendant trois ans la posture d’un Maître spirituel, lui qui vient de conclure son enseignement en se faisant serviteur et en lavant les pieds de ses disciples, voici qu’il les appelle pour la première fois, qu’il nous appelle « Petits enfants ».
Cette tendresse donne le ton à son testament. Elle est l’incarnation, la couleur humaine de l’amour en plénitude que Jésus tient de son Père, qu’il a distribué en paroles et en actes et dont il fait un commandement nouveau « Vous aussi aimez-vous les uns les autres » en précisant « comme je vous ai aimés ». Jésus ne demande pas un retour à son amour, comme le ferait un amoureux. Il ne dit pas « aimez-moi comme je vous aime ». Bien sûr, je peux dire « Jésus, je t’aime ». Mais en réponse à son amour pour nous, notre amour pour lui passe clairement par l’amour des autres, à sa demande.
Aimez-vous les uns les autres. Jésus dit que ce commandement est nouveau. Peut-être ne pouvait-il donner ce commandement tant que Judas était là. Peut-être ses disciples s’aimaient-ils déjà, peut-être pas, ou seulement d’amitié comme disent les petits enfants quand ils perçoivent que le même mot « aimer » traduit des sentiments différents. L’amour dont parle Jésus, c’est l’amour inconditionnel celui qui vient de son Père et qui passe désormais par Lui.
Lui seul peut aimer en plénitude et nous sommes invités à le prendre comme modèle « Comme je vous ai aimés » avec le désir de s’en approcher toujours un peu plus. Comment les disciples ont-ils perçu l’amour de Jésus ? Il ne les a pas serrés dans ses bras mais il a pris soin de chacun d’eux et il a eu souci de leur croissance spirituelle en leur permettant de se révéler à eux-mêmes.
Disciples de Jésus, nous recevons cette phrase de l’évangile « Aimez-vous les uns les autres » dans une communauté singulière, celle de La Visitation. Certains peuvent trouver que nous sommes loin de l’objectif. D’autres sont encourageants, comme cette femme au cours d’une réunion de préparation au baptême samedi dernier, « J’ai envie que ma fille entre dans la communauté chrétienne parce les chrétiens ont le souci les uns des autres. » Soyons réalistes. Nous ne sommes pas trop mauvais mais nous pouvons mieux faire pour que « tous reconnaissent à l’amour que nous avons les uns pour les autres que nous sommes les disciples de Jésus. »
Vincent Boggio
15 mai 2022