De l’imagination à la foi – homélie du dimanche 6 novembre 2022

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De l’imagination à la foi

Quelle pagaille entre les 7 maris quand ils seront tous réunis dans le paradis autour de cette femme à la santé de fer et certainement au tempérament bien trempé ? Voilà une belle illustration des limites de notre imagination au sujet de notre destinée après la mort. Car c’est bien la question qui parcourt toute la parole de Dieu aujourd’hui : ces jours-ci nous nous sommes peut-être rendus sur les tombes de nos chers disparus, il y eut le 2 novembre la prière pour les défunts, vendredi nous allons nous souvenir des victimes de la guerre de 14-18. « après la mort, qu’est-ce qui se passe ? »

Jésus n’a pas la réponse à cette question. Devant le piège que lui ont tendu les sadducéens, cette confrérie juive et pieuse ne croit pas à la résurrection des morts, Jésus va affirmer sa foi, tout en reconnaissant qu’il ne sait pas. Pourquoi le saurait-il ? Homme, pleinement homme, il n’a pas fait semblant d’être homme. Sa nature divine ne lui donne pas un plus en matière de connaissance. En revanche il nous invite à passer de l’imagination à la foi, à la foi en ce Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, en ce Dieu des vivants, ce Dieu qui veut établir une relation éternelle avec chaque créature, une relation que la mort physique ne peut arrêter.

Cette foi, c’est celle proclamée par ces jeunes gens dont nous parle la première lecture. Une foi proclamée au risque de leur vie. Ils acceptent de tout perdre pour être fidèles à leur engagement, à leur parole donnée. Et dans cet abandon total, complet, ils pressentent que leur geste est un geste de vie, et non de mort. Ils entrevoient ce Dieu, lui aussi fidèle, tout donné à son peuple, éternellement vivant. Ce qui implique pour nous que notre foi en ce Dieu des vivants ne sera réelle que si nous vivons le don de notre personne, de notre vie, dans la fidélité à nos engagements les plus ordinaires comme les plus grands. Ou bien, dit autrement, ce Dieu sera le Dieu des vivants si nous restons vivants, si nous refusons la mort.

Que peut bien vouloir dire « refuser la mort » ? De quelle mort s’agit-il ? C’est la peur, la peur de l’avenir, la peur de l’autre, du différent, c’est l’obsession du toujours plus et de notre sécurité, qui entretient l’indifférence face à l’injustice, c’est la spirale de la violence, la soif de la vengeance. Tout cela engendre la mort, et nous éloigne de ce Dieu des vivants. En revanche quand nous nous engageons pour la paix (et cela commence avec les plus proches), pour la justice, pour le pardon dans la vérité, quand nous restons fidèles à nos engagements, n’y a-t-il pas en nous alors ce sentiment d’être totalement ajusté à ce Dieu des vivants, tout en expérimentant déjà ce que peut être l’éternité ?

Et comme le dit Jésus, nous serons semblables aux anges, c’est-à-dire débarrassés de tout ce qui alourdit notre cœur, de tout ce qui l’empêche de vivre. Et nous pourrons nous tourner vers ce Dieu des vivants pour dire la prière du psalmiste : « Et moi par ta justice, je verrai ta face. Au réveil, je me rassasierai de ton visage. » Avec ces mots, pas étonnant que nous voulions croire à la résurrection de la chair !

André Jobard
6 novembre 2022