Des lunettes adaptées
On me demande parfois si je reprends des anciennes homélies pour cet exercice hebdomadaire. Je les relis souvent, du moins celles que j’ai gardées, mais il est très rare que je les reprenne en entier, tellement elles sont datées, en lien avec l’actualité du moment, et donc inadaptées à aujourd’hui. Exceptionnellement cette fois-ci, je me suis beaucoup inspiré de ce que j’avais pu vous dire en 2017 ; certains d’entre vous vont peut-être reconnaître mes propos d’alors, tandis que moi j’ai eu l’impression de découvrir pour la première fois ces paroles datant de 6 ans. J’avoue donc humblement que je reprends mon commentaire sur ces paroles pleines d’espérance de Jésus : « je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi ». Paroles bienvenues dans le contexte actuel, où tout porte à la désespérance, au repli sur soi et à la peur du déclin de notre civilisation chrétienne. Nous le verrons vivant : quelles lunettes devrons-nous chausser pour le voir ?
Je suis donc allé chez mon opticien lui expliquer mon cas ; il est sûr qu’il est resté perplexe devant ma demande. Il m’a proposé un télescope, estimant qu’avec cet appareil, j’avais une chance d’apercevoir une trace de Dieu dans le ciel, mais je n’y croyais pas vraiment. Heureusement j’ai aperçu dans un recoin de son magasin, un paquet qu’il n’avait pas encore déballé. Devinez ce qu’il y avait dedans : des lunettes extraordinaires, pas des lunettes déformantes qui ne voient que du noir partout, mais des lunettes qui portent la vue très loin non dans le ciel mais sur la terre, jusque dans les plus petites réalités de la vie, des lunettes qui suscitent le chant, provoquent l’émerveillement. Elles font voir le sourire d’un enfant, elles font voir le dévouement extrême d’une personne à l’égard de son conjoint atteint d’une grave maladie, elles font voir l’engagement des artisans de la paix et de la justice au cœur-même des conflits les plus violents. Elles révèlent une réconciliation obtenue après une incompréhension, elles font voir la beauté de la nature en cette saison printanière. Bref des lunettes extraordinaires pour voir tout autrement les choses les plus ordinaires de la vie. Vous ne serez pas surpris que porteur de ces lunettes merveilleuses, je n’ai pas voulu les enlever, et j’ai quitté l’opticien en dansant de joie, car j’avais vu le Seigneur : pour la petite histoire, dans mon exultation je ne me souviens plus si j’ai payé ces lunettes qui n’ont pas de prix ! J’avais tellement hâte de partager ma découverte avec mes amis.
Depuis lors nos conversations ne s’attardent plus sur les catastrophes que nous déversent à longueur de journée les médias avides d’audience, mais nous avons toujours un fait positif à commenter, de quoi redonner un peu de lumière et de couleurs dans notre actualité bien grise. Alors je pense à cette belle parole de Jésus qui nous dit que nous le verrons vivant ; avec ces super-lunettes, qui sont peut-être cet Esprit qu’Il nous annonce, c’est possible et je comprends mieux pourquoi il prie le Père de nous le donner : Esprit de vérité, de quoi nous remplir de joie, cette joie qui s’est emparée de la ville de Samarie après s’être ouverte à l’évangile.
André Jobard
samedi 13 mai à la Visitation et dimanche 14 mai à Couternon