Deux gestes à refaire – homélie du jeudi saint 18 avril 2019

Homélie destinée aux enfants, modifiée a posteriori pour tenir compte du commentaire d’une paroissienne

       Pendant les trois années passées avec ses amis, Jésus a parlé en paroles et en gestes. Il a eu des paroles banales, celles de tous les jours, celles de tout le monde l’Évangile ne les a pas retenues et des paroles étonnantes que l’Évangile a conservées. Nous aimons les relire, les redire et les transmettre.

        Au cours du dernier repas avec ces amis, celui que nous rappelons ce soir, il a beaucoup parlé. Des paroles exceptionnelles qui résument toutes les autres. Il a parlé de paix (« Je vous donne ma paix »), d’amour (« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés »), de joie (« Je vous ai dit tout cela, pour que votre joie soit parfaite »). Il a prié son Père pour que ses disciples et tous ceux qui croient que le Christ vient du Père restent toujours unis.

        Pendant trois ans il a aussi fait des gestes banals, ceux de tous les jours, ceux de tout le monde l’Évangile les a oubliés et des gestes étonnants que l’Évangile a précieusement conservés. Nous aimerions bien les refaire si nous le pouvions. Nous aimerions bien changer l’eau en vin, calmer la tempête, multiplier les pains.

        Au cours de ce dernier repas, Jésus a fait deux gestes exceptionnels et demandé à ses amis de les refaire quand il ne serait plus avec eux. Ces deux gestes sont très différents et tous les deux bizarres, chacun dans son genre. Il a pris du pain et du vin, il a prié, et les a donnés à ses amis en disant « Ceci est mon corps, ceci est mon sang. Faites ceci en mémoire de moi. » Geste bizarre parce que mystérieux. On touche là au sacré. Autre geste, il a lavé les pieds de ses amis. Et il leur a dit « Vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Geste bizarre mais ni mystérieux ni sacré. Bizarre parce que banal mais inattendu. Le Maître se fait serviteur et demande à chacun d’être le serviteur des autres.

        Le premier geste est au cœur des cérémonies et des prières des chrétiens. On l’appelle messe, communion, cène, fraction du pain, saint sacrifice, mémorial, repas du Seigneur, assemblée eucharistique. L’Église a confié ce geste aux prêtres. Ils donnent leur vie pour le Seigneur et pour son Église. Ils sont au service du Seigneur et de son peuple. Ils rappellent que Jésus s’est fait le serviteur de tous, par amour, jusqu’à la croix. Après les victimes et leurs familles, ce sont eux qui souffrent le plus des crimes commis par quelques prêtres prédateurs sexuels. Aujourd’hui, jeudi saint, on rappelle la réalisation par Jésus de ce geste confié aux prêtres. C’est donc un peu l’anniversaire commun des prêtres. Joyeux anniversaire, André. Merci pour les deux cents fois où tu as refait ce geste cette année et pour la fidélité à ton engagement, renouvelé mardi soir à la cathédrale.

        Le second geste, le lavement des pieds, est offert à tous. Chacun est invité à être serviteur de tous. Pourtant ce geste étonnant, ce trésor, a été oublié, perdu. Il n’est même pas mentionné dans le Catéchisme de l’Église catholique. On ne lui attribue pas de caractère sacré. Il aurait pourtant une jolie place dans le rite d’ordination des diacres et des prêtres et peut-être dans la vie d’une paroisse. Ce geste a du sens tant pour celui qui lave les pieds de l’autre que pour celui qui accepte de se les faire laver. Il rend humble. Il est soin et tendresse. Il est ouvert à tous. Il peut être partagé avec des incroyants.

        Ce soir, goûtons donc ces deux gestes que Jésus nous a offerts. Qu’ils soient signes de paix, d’amour et de joie, ces derniers signes donnés par Jésus avant sa passion.

Vincent Boggio

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