En laissant dans la barque leurs filets et… leur père – homélie du dimanche 24 janvier 2021

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En laissant dans la barque leurs filets et… leur père

 

        Jésus les appela. Aussitôt ils le suivirent. En laissant dans la barque leurs filets et… leur père ! C’est simple, bref, spectaculaire, facile à mimer au catéchisme, mais difficile à croire. Quoique…

         Depuis sa naissance Jésus grandit sans se cacher. Il n’est pas confiné. A Nazareth, il discute, il joue, il travaille. Sans masque. Il a de la famille et des amis. Il va à la synagogue. Il fait la fête. Sans masque. Seule curiosité : à 30 ans, il n’est pas encore marié. On se demande ce qu’il va devenir. Un docteur de la Loi ? Effectivement il est connu pour sa sagesse, son charisme dirait-on de nos jours. Lui-même s’interroge. Marie lui a raconté sa mystérieuse conception et les paroles étonnantes de l’ange Gabriel. Est-elle inquiète ou impatiente de les voir se réaliser ? Elle sait que Jean-Baptiste a commencé la prédication que Zacharie avait annoncé : Tu marcheras devant… Elle sait aussi qu’il a été arrêté.

         Leur pays est petit. On se connaît de village en village. Tout se sait. Nazareth n’est pas loin de la mer de Galilée. Les pécheurs connaissent le charpentier de Nazareth. Ils attendent qu’il se manifeste. Ils sont prêts à le suivre. Sil les appelait, ils laisseraient dans la barque leurs filets et… leur père.

         Tout est donc prêt. Les temps sont accomplis. Il ne manquait qu’un baptême initiateur pour lancer Jésus dans l’annonce de l’Évangile, et une parole venue des cieux : Tu es mon Fils bien-aimé. C’est fait, c’était il y a quinze jours.

         Simon, André, Jacques et Jean s’inquiétaient peut-être des aptitudes intellectuelles et même morales requises pour que Jésus les appelle. Mais il ne leur a demandé ni CV ni certificat de moralité. A nous non plus d’ailleurs.

         Ils avaient envie de son autorité et de son enseignement. Pendant trois ans, ils vont être servis. La forme de son enseignement ne rompt pas avec celle des Rabbis, les autres Maîtres de l’époque, les docteurs de la loi. Mais il va plus loin. Il demande à ses disciples d’écouter sa parole, de calquer sa vie sur la sienne et surtout d’être liés non à une doctrine, comme le faisaient les autres Rabbis, mais à une personne, lui-même, et de s’attacher à lui sans réserve jusqu’à comprendre qu’il est le Chemin, le Vérité et la Vie qui mènent au Père, et que sa parole est le message authentique de Dieu qui est le seul Maître. Au fils des mois passés ensemble, les disciples deviennent ses amis : Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis. Avant de les quitter, Jésus leur donne un dernier commandement : Allez, de toutes les nations faites des disciples, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit.

        Ils l’ont fait. Et leurs propres disciples ont poursuivi la transmission d’un enseignement qui ne venait pas d’eux, mais de Dieu, par le Christ. Des milliards de disciples se sont succédé, intégrant la Bonne nouvelle de Jésus dans leur vie tout en ayant le souci de la transmettre, jusqu’à nous qui osons nous dire disciples et même amis de Jésus.

         Cette réussite de l’Église est incomplète. Composée d’hommes et de femmes, donc de pécheurs, elle n’a pas évité tous les écueils.

         Ainsi des Maîtres mégalos ont parfois perverti l’enseignement reçu et manipulé des disciples fragiles, voire abusé d’eux physiquement et spirituellement. L’accompagnement spirituel est un art difficile qui nécessite prudence et bienveillance.

         L’amour et le service, valeurs suprêmes de l’Évangile, ont parfois cédé le pas devant la quête de richesse, le désir de pouvoir, la recherche de reconnaissance. Il s’en est suivi des ruptures dans l’Église que nous subissons avec regret. Comme chaque année nous sommes invités à prier pendant une semaine pour l’unité des chrétiens. Nous ne sommes pas naïfs. Si unité signifie « une seule institution » notre prière peut sembler désespérée. Mais s’il s’agit de l’unité d’un projet, faire vivre et transmettre l’évangile du Salut, notre prière a du sens. Elle rejoint celle des autres disciples de Jésus dont les pratiques diffèrent des nôtres au service d’une unique vérité, le Christ.

Vincent Boggio

24 janvier 2021