Isaïe et l’intelligence artificielle – homélie du dimanche 5 février 2023

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Isaïe et l’intelligence artificielle

L’intelligence artificielle, on en parle beaucoup en ce moment. Et cette semaine, plusieurs amis m’ont encouragé à me tourner vers cette technique révolutionnaire, et à lui demander de me fournir, en guise d’homélie, un texte très correct qui pourrait remplacer avantageusement ce que ma petite intelligence humaine pouvait produire. Comme je suis féru d’informatique (!), je me suis précipité sur mon ordinateur et j’ai suivi les consignes en allant sur l’application ChatGPT, sans succès. Il m’a donc fallu revenir à mon humble travail de composition, et heureusement j’ai trouvé une homélie remarquable… chez Isaïe (1ère lecture).

En effet Isaïe répond bien à ma difficulté (qui est peut-être aussi la vôtre) de combiner le sel et la lumière, deux entités que Jésus nous propose comme modèles pour être ses disciples. Le sel et la lumière sont totalement opposés : le sel c’est la discrétion, l’enfouissement, alors que la lumière c’est l’éclat, la visibilité. Comment les tenir ensemble ? Il me semble que le prophète Isaïe a trouvé la réponse : « partage ton pain avec celui qui a faim, accueille chez toi les pauvres sans abri… ne te dérobe pas à ton semblable », toutes activités qui se réalisent souvent sans bruit, dans la discrétion, comme le sel qu’on ne voit pas dans la nourriture et qui donne la saveur aux aliments. « Alors, poursuit Isaïe, ta lumière jaillira comme l’aurore ». Nous le voyons : le lien est établi entre sel et lumière. Pas question de chercher à se montrer, à brandir des bannières de notre identité de disciples de Jésus, si au départ il n’y a pas ce désir de mettre nos pas dans ceux de la justice.

Petite explication pour comprendre la raison de ces paroles si puissantes d’Isaïe. C’est à un moment de désillusion : après le retour d’exil, si longtemps attendu, si fortement désiré, la restauration commence : on reconstruit le temple, on reprend le culte avec enthousiasme. Hélas les difficultés ne tardent pas à revenir, les vieilles injustices réapparaissent, tandis que les plus fidèles se lancent dans des dévotions du passé, dans l’espoir de plaire ainsi à Dieu. Le prophète comprend bien que le salut, l’avenir ne peuvent se dessiner dans le mépris des pauvres, dans la course au confort individuel, ou dans de pieuses dévotions. Il se trouve dans le souci de la justice qui, mise en tête de notre marche, devient lumière. Si nous mettions Dieu à la place de la justice, ce serait le réduire à n’être qu’un veau d’or, une idole parmi d’autres. Il fallait un certain courage à ce prophète pour oser proclamer cette découverte dans une époque aux prises avec des tensions, tandis que les plus fidèles songeaient à restaurer le culte et les ruines du passé.

Comment recevoir ces paroles aujourd’hui, dans notre monde déboussolé comme l’était celui d’Isaïe ou celui de Jésus ? Nous savons par expérience comment le fait de mettre en pratique cette justice illumine nos vies. C’est bien vrai dans l’accueil du pauvre, du malade, de l’étranger, ou dans l’engagement associatif, syndical ou politique ; c’est cela qui éclaire nos vies, leur donne sens, et qu’ainsi elles deviennent à leur tour lumière pour d’autres. Essayons de nous rappeler un moment où nous avons fait œuvre de justice, de service fraternel, moment où nous avons peut-être été un peu, à notre place, sel et lumière du monde.

André Jobard
5 février 2023