Jésus écrasé, glorifié – homélie du dimanche 21 mars 2021

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Jésus écrasé, glorifié

 

        « Maintenant, mon âme est bouleversée. » Ce cri, je l’ai encore entendu cette semaine de la part d’une personne ayant du mal à assumer sa solitude après le décès de son conjoint. Je l’ai entendu également de la part d’une maman inquiète pour sa fille à qui on vient d’annoncer un cancer. Ce cri, c’est aussi celui poussé par tous ces peuples qui n’en peuvent plus de la guerre, de la faim, de la privation de leur liberté ; nous ne l’entendons pas forcément, sauf quand surgit un drame qui fait la une de l’actualité. Ce cri, qui vient de notre humanité souffrante et de la terre malmenée par une exploitation destructrice, le CCFD-Terre Solidaire nous le répercute pendant le temps du carême, aujourd’hui.

         Ce cri c’est celui de Jésus, entendu dans l’évangile : cri sorti de ses entrailles à la veille de sa passion, qui sera un moment de grande souffrance physique et morale. Alors qu’il venait tout juste de donner sens à sa mort, à travers l’image très forte du grain de blé, cela n’a pas suffi à l’apaiser ; il a fallu une voix venue du ciel, avec un discours pourtant bien obscur : « je l’ai glorifié et je le glorifierai encore ». Ce mot glorifié est le même que Jésus emploie pour répondre à ceux qui aimeraient le voir. Pour une réponse décalée par rapport à la demande, on ne fait pas mieux.

         Oui, glorifié, qu’est-ce à dire ? Ce mot semble important. Il fait penser à la gloire, alors qu’il n’y a rien de glorieux à être exposé à la souffrance, à la grande détresse, à la mort. Mais il veut ouvrir une perspective à la situation cruelle que vit celui qui crie sa détresse. Et saint Jean qui emploie ce mot l’utilise pour parler de résurrection dont il a été témoin, celle de Jésus vivant au-delà de cette mort atroce qu’il a endurée. Une résurrection offerte par Dieu le père (c’est peut-être le sens de cette voix venant du ciel) à son fils qui avait mis toute sa confiance en lui, comme si sa mort, librement consentie malgré la peur, était accueillie, reconnue comme étant une marque d’amour ultime. Oui Jésus est mort, écrasé comme un grain de blé, enfoui dans la terre, pour germer et donner naissance à une vie nouvelle.

         Nous autres qui avons été baptisés, nous vivons de cette vie nouvelle ; vie nouvelle caractérisée selon Jérémie par cette proximité entre Dieu et l’humanité. Jésus en se faisant l’un de nous, en ne trichant pas avec notre condition humaine, partage nos cris, nos angoisses et nos joies. Il est l’un de nous ; comme nous il a prié le père, c’est ce que dit le beau texte de l’épître aux Hébreux. De quoi renforcer notre confiance en l’efficacité de la prière, quand celle-ci s’ouvre à la peine des hommes et à toutes les souffrances endurées. Cette prière, loin d’être une fuite de nos responsabilités, doit au contraire nous engager sur le chemin du service, le chemin du respect de la vie, de la nature, et du plus faible.

         Tout est lié, dit notre pape : le souci de la création et le souci de celui qui est dans le besoin. La perspective de la glorification, entendue comme l’avènement d’un monde nouveau, illumine notre marche vers Pâques, et nourrit notre espérance.

André Jobard

21 mars 2021