Connaissez-vous Robert Estienne ? C’est l’imprimeur qui a découpé en versets le Nouveau Testament pour favoriser le repérage et les échanges entre les lecteurs. Exemple : je dis « Luc 20, 25 » et chacun pense « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu« . Ça marche aussi à l’envers : je dis « Commencement de l’Evangile de Jésus-Christ Fils de Dieu », chacun répond « Marc chapitre 1, verset 1 ».
Apprendre la Bible par cœur, ce n’est pas facile ! Il y a 31000 versets. Conseil d’ami : commencez par le plus court. Il est niché dans l’évangile de Jean, au milieu du chapitre 11, le chapitre du milieu, celui que nous venons de lire. C’est le verset 35 : « Jésus pleura« , en latin « Et lacrimatus est Iesus. »
Robert Estienne était imprimeur mais aussi chrétien et humaniste. Je le soupçonne donc d’avoir été ému en lisant ce chapitre et d’avoir sciemment mis cette phrase en relief dans ce petit verset.
« Jésus pleura. » Les larmes de Jésus sont le déversoir du trop-plein de sa compassion, cette couleur que prend l’amour quand on partage le chagrin des autres. Ce n’est pas tant la mort de Lazare qui le fait pleurer que le chagrin, les larmes de ses amis juifs et surtout celles de Marie, l’amie si proche qu’elle avait osé essuyé avec ses cheveux le parfum répandu sur ses pieds, l’amie dont il doit maintenant essuyer les larmes.
« Jésus pleura. » Dans l’Evangile Jésus ne cesse de nous révéler son Père. Aujourd’hui ses larmes donnent du corps à la tendresse de ce Père, tendresse si souvent chantée par les psalmistes. Dieu tendresse pleure avec ceux qui souffrent. Il ne plaît pas à Dieu que les Hommes souffrent.
Comme Jésus, nous sommes parfois confrontés à la maladie et à la mort d’un ami. Jésus connaît les émotions qui, alors, se succèdent ou se bousculent en nous. Il les a vécues.
Lui qui a mis deux jours à se décider, il connaît, comme nous, l’hésitation à l’annonce de la maladie d’un ami − J’y vais ou j’attends. Après tout « cette maladie ne conduit pas à la mort » – hésitation qui peut nous faire arriver trop tard.
Il a senti la colère de Marie qui lui reproche sa responsabilité – « Si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort » – responsabilité que l’on attribue parfois au corps médical.
Comme nous, il a connu l’odeur du dépositoire.
Il a entendu les doutes des voisins sur sa puissance du Christ : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? » – interrogations que l’on entend aujourd’hui sous la forme : « Si Dieu existe, pourquoi permet-il la souffrance la mort ? »
Il a aussi entendu des paroles d’espérance : « Tout ce que tu demanderas à Dieu, il te l’accordera » et des paroles de Foi « Je sais qu’il ressuscitera le dernier jour« .
Toutes ces émotions, entendues ou vécues par Jésus au moment de la mort de Lazare, les équipes d’accompagnement au deuil les repèrent dans la voix des familles des défunts. Jésus a vraiment partagé notre humanité. S’il nous arrive, quand nous sommes devant la maladie ou la mort, de douter de la tendresse de Dieu, nous pouvons murmurer Jean chapitre 11, verset 35 : « Jésus pleura.«
Vincent Boggio
26 mars 2023