Joseph et la coupe du monde – homélie du dimanche 18 décembre 2022

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Joseph et la coupe du monde

En l’an de grâce 2022, une coupe du monde de football était organisée dans un pays où les mœurs politiques ne s’embarrassaient pas trop des droits humains élémentaires ni des soucis écologiques. Si bien que certains appelaient au boycotte de cette compétition. Un ressortissant d’un pays dit libre et démocratique, appelons-le par exemple, Joseph, avait juré de prendre une part active à ce boycotte et n’avait pas de mots assez durs pour appeler ses concitoyens à ne pas se compromettre avec ce pays et son régime, hôte de la coupe du monde. C’était sans compter sur les victoires successives de son propre pays dans ce tournoi, dont il avait connaissance par la radio, les journaux et les copains qui se risquaient à l’informer. A tel point qu’il s’était surpris à jeter discrètement un œil sur le smartphone de son voisin de réunion pour connaître le suivi d’un match décisif. Avait alors surgi en lui un dilemme terrible : vais-je garder le cap d’une attitude pure et dure, résolument hostile, ou bien me compromettre en participant à la joie et à la fierté de mon pays ? Dans une profonde réflexion, au long de nuits sans sommeil, une voix lui fit comprendre qu’il pouvait y avoir du bon dans cet intérêt, cet enthousiasme que suscite cette joyeuse actualité, et de ce fait il prit rendez-vous avec des copains pour suivre la finale de la compétition.

Et cet homme, que j’appelle Joseph, si c’était notre Joseph de l’évangile ? Lui aussi il en avait des principes, de beaux principes, ce qui le conduisait à envisager de se séparer de Marie, enceinte d’un enfant qui ne serait pas de lui. Quel dilemme n’a-t-il pas connu à ce moment ! Lui aussi a dû vivre des nuits sans sommeil, jusqu’au moment où une voix, celle de l’Esprit Saint peut-être, lui suggéra de se compromettre avec Marie, d’abandonner ses préjugés qu’il avait érigés en valeurs suprêmes, pour accueillir cette vie nouvelle qui se développait dans le sein de sa fiancée. Une démarche éminemment spirituelle, au sens où c’est bien l’Esprit de Dieu qui l’engageait à prendre chez lui Marie. Merci, Joseph, d’avoir consenti à te laisser bousculer par les événements, car c’est cette déprise de ta part, qui va faire que Jésus peut être le sauveur de tous. Même s’il est juif, de la lignée de David, assumant ainsi le grand projet de Dieu porté par le peuple Israël, il ne sera pas la propriété d’un père, d’une mère, d’un peuple, d’une race, d’une religion. Il sera le sauveur de tous, il sera ‘Dieu avec nous’ aujourd’hui et demain.

Car nous aussi nous connaissons ces situations où nos plus nobles projets peuvent être mis en cause. Qui de nous ne connaît pas des difficultés, des pépins de santé, des tensions familiales ? Je pense à ces parents qui avaient de belles ambitions pour leur enfant, lequel choisit une voie pour le moins insolite. Que dire aussi de la situation présente, avec les problèmes de pénurie, les injustices, les guerres, et même la famine ? Face à cela, nous sommes démunis, obligés de revisiter nos priorités, et de marcher dans la nuit du doute et du désespoir. Mais comme Joseph, n’est-ce pas au cœur de ce trouble que nous avons à faire le saut de la foi, encouragés par ce mot de l’ange : « ne crains pas ». Le saut de la foi, qui va permettre à Jésus de venir dans toutes ces situations bancales, non définies à l’avance. Avec Joseph et Marie qui ont accueilli tous ces bouleversements, nous pouvons à notre tour donner naissance à Jésus sauveur, qui nous sauvera des plus grandes calamités, celle de l’habitude, celle de la volonté de toute-puissance, pour nous ouvrir à la joie de Dieu .

Joie de Dieu qui passera, pour le Joseph de mon histoire (veuillez excuser ce rapprochement un peu osé), par la fête de la victoire de son équipe favorite.

André Jobard
18 décembre 2022 – 10h30