La dernière demeure – homélie du dimanche 2 mai 2021

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      La dernière demeure

 

        « Maître, où demeures-tu ? » C’était la question posée à Jésus par André et un autre disciple de Jean-Baptiste qui se mettaient à suivre ce nouveau Maître. Un autre André, notre curé, disciple contemporain, avait pointé dans l’homélie du 17 janvier que leur question faisait écho à la première prise de parole de Jésus dans l’évangile : « Que cherchez-vous ? » Le texte continue ainsi : « Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait et ils demeurèrent auprès de lui, ce jour-là. »

        Quand, après plusieurs mois de vie commune avec ses disciples sans domicile fixe, Jésus leur fait son discours d’adieux, il répond incidemment à leur première question : « Maître, où demeures-tu ? » en leur disant : « Demeurez en moi, comme moi en vous ». C’est donc en eux qu’il fixe sa dernière demeure. Disciples des disciples, nous sommes concernés par cette réponse. Jésus demeure en nous et nous demande de demeurer en lui. Je peux frémir à cette révélation, me juger indigne de cette présence en moi et de cette invitation à demeurer en lui, et rester dans ma zone de confort en considérant que Jésus s’adresse au collectif de ses disciples, donc à son Église à venir. Il voudrait dire : « Église, demeure en moi comme je demeure en toi. » Sauf qu’il insiste en individualisant : « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure… » Difficile de tergiverser. Il s’adresse autant à son Église qu’à chacun de nous. La fuite n’est pas possible.

        Jésus aime bien illustrer ses propos. La semaine dernière, c’était le berger. Mais il n’y a pas dans la nature ou dans la vie des Hommes d’image ou de situation que l’on pourrait identifier à cette nouvelle forme de cohabitation : « Demeurez en moi, comme moi en vous ». Il reprend donc l’image de la vigne, image familière à ses disciples puisque dans l’Ancien Testament, la vigne est le peuple du Dieu d’Israël. La relation du vigneron et de la vigne est l’image de l’Alliance de Dieu avec son peuple. La vigne-Israël n’a pas toujours répondu aux attentes d’un Dieu-vigneron pourtant aimant et attentif et les rameaux se sont souvent desséchés.

        Jésus renouvelle l’image de la vigne. Il devient la vigne et nous les sarments, de même qu’il est le Corps et nous les membres, dans une nouvelle alliance avec lui, individuellement et collectivement en Église. Sans cette communion nous ne pouvons rien faire et Jésus non plus. Les sarments secs n’ont guère de valeur et le bois de la vigne non plus. C’est Jésus dont la sève nourrit les sarments qui permet à chacun et à son Église de produire du fruit.

        Il ne précise pas quel est le fruit que nous portons si nous demeurons en Jésus. Il dit seulement qu’il fait la gloire de son Père. Quel est donc ce fruit ? On pense bien sûr à l’amour qui imprègne tout l’Évangile, amour « en actes et en vérité » et non pas « en discours » comme le rappelle la première lettre de Jean. Jésus vient de souligner par le lavement des pieds, que le service et la tendresse sont des marques d’amour. Ce qui fait la gloire de Dieu, c’est aussi d’annoncer l’Évangile et de célébrer Dieu avec ferveur. Servir, annoncer et célébrer, trois façons de faire la gloire de Dieu, trois missions confiées à chacun, plus ou moins intensément selon ses dispositions, et collectivement à l’Église et à chacune des communautés qui la composent.

Vincent Boggio
2 mai 2021