La famille humaine

Sainte famille ! Parlons-en. Un père attentif, une mère affectueuse, un enfant bien élevé aux résultats scolaires brillants, c’est comme cela qu’on imagine la sainte famille, qu’on nous présente volontiers en exemple. Patatras, saint Luc, dans son évangile va écorner cette image de famille parfaite en nous relatant un fait divers, bien connu dans les familles composées d’adolescents. Mais quelle idée il a eue saint Luc de nous raconter ce fait divers? Ainsi Jésus ne serait-il pas parfait, et ses parents ne feraient-ils pas preuve d’insouciance en ne s’inquiétant de lui qu’au soir de toute une journée ?

Voilà pour une lecture au premier degré. Mais le projet de Luc va bien au-delà et pour entrer dans sa pensée je vous propose que nous nous arrêtions sur cette parole si mystérieuse, dont il nous est dit que Marie et Joseph ne comprirent pas non plus le sens : « Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon père ? » En mentionnant devant Joseph cet autre père, Jésus ouvre une perspective immense à nos vies trop souvent repliées sur elles-mêmes, prisonnières de liens, même affectifs, qui nous empêchent de grandir, de vivre. Une conception trop étroite, trop idéaliste de la famille par exemple peut enfermer un enfant dans des projets qui ne sont pas les siens, étouffer une vocation qui se dessinait dans son cœur. A plusieurs reprises dans l’évangile Jésus va relativiser les liens du sang, pour ouvrir d’autres horizons, pour dire que ce qui compte désormais pour le bonheur de l’humanité, ce sont les liens noués à la suite d’un engagement, pour le service des frères, pour de grandes causes. « Qui sont mes frères, qui sont mes sœurs, ma mère ? » demande Jésus. Et sa réponse : « ce sont ceux qui font la volonté de mon père qui est aux cieux. »

Ainsi Jésus nous introduit dans une grande famille, celle des enfants de Dieu, famille aux dimensions de l’humanité, où les liens du sang, de la culture, de la religion, de la nation ne sont plus premiers et ne doivent pas brimer l’homme. C’est en ce sens que l’Église est catholique, c’est-à-dire universelle, et non pas liée à une culture, à un continent, à une civilisation. Nous sommes tous frères, voilà ce que dit Jésus, voilà ce que dit Noël, où la venue du grand frère nous place sur un même pied d’égalité. Et à tous, comme à Marie et à Joseph, se présente à chaque soubresaut dans nos vies la nécessité de dire oui, et de consentir à nous laisser toucher, ébranler par ce qui nous arrive. C’est tout simplement le cheminement de la foi, et c’est le message central de cet évangile. Et là encore comme Marie, n’hésitons pas à garder tous ces événements dans nos cœurs pour y découvrir l’œuvre de Dieu.

André Jobard
26 décembre 2021