La graine de moutarde – homélie du dimanche 6 octobre 2019

        Les enfants qui ont entouré le livre de l’évangile avec leur cierge allumé ont reçu dans la main une graine de moutarde. Pour nous habitant la région de la moutarde, connaissons-nous cette petite graine ? Petite, c’est vrai, mais promesse d’une plante généreuse. Telle est la parabole employée par Jésus pour qualifier la foi capable de réaliser l’impossible : demander à un arbre de se déraciner pour aller se planter dans la mer. Reconnaissez avec moi que nous sommes en présence d’une vue de l’esprit, une utopie la plus folle, et on est en droit de se demander si Jésus ne se trompe pas en comparant la foi à cette petite graine. D’ailleurs l’expression populaire « il y a mis toute sa foi », désigne au contraire une grande foi, nécessaire pour réaliser un grand projet ou une belle œuvre. Quelle est donc cette foi dont parle Jésus ?

        Pour répondre à cette question, je vous propose un détour par la première lecture entendue, la parole du prophète Habacuc : il décrit un contexte de désespérance, l’ennemi est aux portes de Jérusalem, le temple va être détruit, les forces vives vont être déportées, tout n’est que violence, piétinement des valeurs constitutives de la société. Comment ne pas faire le rapprochement avec la situation actuelle de notre humanité, menacée par la destruction de la planète et de la biodiversité, par l’injustice croissante, par le climat de violence ? Situation qui pousse nos contemporains à une peur diffuse par rapport à l’avenir, et qui génère un sentiment d’impuissance devant les défis immenses à relever. Que dit Dieu par la bouche d’Habacuc ? Que son projet pour son peuple, projet de salut, tient toujours ; il suffit pour cela d’attendre, de rester fidèle, c’est-à-dire de garder la foi, fidélité et foi étant le même mot. C’est à cela que Jésus fait allusion, quand il évoque la foi, celle qui fait vivre : « le juste vivra par sa fidélité ».

        Quel formidable appel pour nous ! Et surtout quelle justesse dans cette affirmation ! Oui, pas besoin de grandes choses pour transformer le monde : comment un simple sourire peut rétablir un climat de confiance ! Comment un petit geste de compassion peut renouer une relation ! Comment un service rendu à un pauvre qui tend la main peut lui redonner sa dignité ! Ce n’est peut-être pas grand chose, mais c’est pourtant essentiel pour une transformation en profondeur de notre humanité, à tous les niveaux, interpersonnel, entre milieux sociaux, entre états ou religions. Devant la déferlante des mauvaises nouvelles, nous risquons toujours de ne plus croire que l’avenir du monde est entre nos mains et que Dieu ne va pas abandonner le monde qu’Il a créé. C’est là que se joue notre mission d’amis de Jésus, baptisés dans sa vie donnée pour le salut de tous. Bien sûr nous pouvons nous considérer comme serviteurs inutiles, surtout à l’heure où tout s’évalue, se calcule. Avec Jésus nous entrons dans l’ère de la gratuité, dans ce mouvement où le moindre geste, la plus petite des actions au service des autres, comptent infiniment aux yeux de Dieu et n’ont pas besoin de reconnaissance. C’est cela la foi, petite, très petite, mais ô combien vitale. Et c’est cette foi , qui en réalité est fraternité et fidélité dans le service du frère, c’est cette foi qui donne l’espérance. Serons-nous témoins de cette merveilleuse nouvelle ?

André Jobard

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