La maison du Père et la maison commune – homélie du dimanche 7 mars 2021

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        La maison du Père et la maison commune

 

         Ce passage (Jn, 13-22) est souvent appelé « Jésus chassant les marchands du Temple ». Cela traduit le début du texte, le plus spectaculaire, et oublie la suite. « La purification du Temple » ou « le signe de la purification du Temple » est un sous-titre qui rend mieux compte de l’ensemble du texte.

         Saint Jean a placé cet épisode au début de son évangile. Or il l’a écrit pour des chrétiens qui connaissaient la fin de l’histoire : Jésus le Christ est ressuscité le troisième jour.

         Alors que les Apôtres et les témoins de la scène ne pouvaient comprendre ce que Jésus disait, pour nous, lecteurs de l’évangile, c’est clair. Le Temple, c’était le monde d’avant. Il pourra être détruit. Les Romains s’en chargeront. Le nouveau sanctuaire où Dieu se rend présent, c’est Jésus lui-même. Il devient le véritable sanctuaire qui accueille les croyants. En Jésus le Temple est purifié de ses déviances. En annonçant ce renversement dès le début, Saint jean éclaire la suite de l’évangile.

         Reste le coup de sang de Jésus, « Il renverse les tables », et même la violence, « Il fit un fouet avec des cordes et les chassa tous du Temple ». Venant de l’Agneau de Dieu, ce coup de tonnerre étonne. Il dessert l’annonce d’une Bonne Nouvelle auprès des témoins. Ce fouet pourrait lui coûter cher. Après tout, le culte juif prescrivait les sacrifices d’animaux. C’étaient des offrandes que les fidèles présentaient à Dieu sur l’autel. Ils appliquaient la loi de Moïse, rappelée dans la première lecture, ses décrets d’application et la tradition. Pour éviter de traverser le pays avec des animaux, les pèlerins pouvaient en acheter près du Temple. Ils pouvaient échanger la monnaie de César obligatoire hors du Temple mais intolérable dedans. Les vendeurs et les changeurs étaient nécessaires.

         La colère d’un non-colérique s’explique par l’ampleur de la cause qui a provoqué cette colère. Pour Jésus, le Temple est la maison de son Père. Comme tout un chacun, cette maison paternelle, il y tient. Il l’aime. En la retrouvant et en regardant ce qu’il s’y passe, il est dévasté. Il voit que le sens initial des offrandes, se rapprocher de Dieu, s’est perdu. Elles sont devenues un rite magique destiné à s’attirer la bienveillance de Dieu. Il ne voit plus qu’un commerce qui ouvre sur des taxes, des abus, de la corruption. Jésus le (f)Fils, n’a pas supporté que l’on casse ainsi la maison de son (p)Père. Une douleur profonde a déclenché sa colère.

         C’est donc l’argent, avant les Romains, qui a cassé le Temple, la maison du Père. C’est aussi, pour une part, l’argent qui détruit la maison commune, la création. La surconsommation superflue et égoïste des richesses de la planète par une génération nantie aveuglée par la recherche de son bien-être qui ne voit pas les conséquences ou feint de les ignorer, ce pillage est un péché collectif qu’il faut réparer d’urgence. Chacun de ceux qui a plus que le nécessaire est concerné. Aujourd’hui il n’y a plus ni Temple, ni sacrifices d’animaux, ni vendeurs du Temple. Mais des églises pour célébrer la messe qui rappelle et rend présent le sacrifice de Jésus sur la Croix. L’argent y circule. Il est nécessaire à la vie de l’Église et à celle de ses prêtres. Une bougie achetée aide à prier, une offrande de messe remet en mémoire un défunt pour s’y unir dans la communion des saints. Mais ce n’est pas un commerce avec Dieu. Ce n’est pas du donnant-donnant.

 

        Le signe de la purification du Temple est là pour nous le rappeler. Il est d’ailleurs sculpté au-dessus de la porte de la cathédrale. Vous pouvez le vérifier avant 18 h.

Vincent Boggio

7 mars 2021