La miséricorde pour tous – homélie du dimanche 7 avril 2019

        Dernièrement une personne m’a interpellé sur le fait qu’on parle toujours des femmes adultères, en omettant de dire que s’il y a adultère, il y a nécessairement aussi des hommes qui commettent la faute. Cette remarque, que je ne relie pas à une revendication féministe du moment, peut en revanche nous aider dans la lecture de cette scène, appelée trop facilement le récit de la femme adultère.

       En effet en plus de cette femme, il y a les scribes et les pharisiens et Jésus. Jésus qui ne veut pas être pris dans le piège que lui tendent ses adversaires, et qui consiste soit à approuver la loi de Moïse et donc à condamner cette femme à la mort, soit à rester fidèle à son désir de miséricorde et dans ce cas à s’afficher comme opposé à Moïse. Cruelle alternative de laquelle Jésus va sortir très habilement, non pour se glorifier lui-même mais pour permettre à ses interlocuteurs, la femme, les scribes et les pharisiens de sortir des impasses dans lesquelles ils se sont enfermés. En effet Jésus veut libérer cette femme de son péché, certainement montrée du doigt par l’opinion et prisonnière d’une forte culpabilité. Mais il veut aussi libérer les scribes et les pharisiens de leur enfermement, d’un rapport à la loi de Moïse qui n’est pas bon. En appelant les accusateurs de l’adultère à opérer un retour sur leur propre vie, Jésus les met sur le même plan que la femme ; oui, tous sont pécheurs, tous sont marqués par la fragilité de la condition humaine.

       Ainsi ce n’est plus seulement un pardon accordé à une femme, c’est une nouvelle libération qu’apporte Jésus, pour tous. C’est en quelque sorte la réalisation de la promesse annoncée par Isaïe, chantée par le psaume . Saint Paul lui aussi considère que le Christ est devenu son seul sauveur sur qui il peut bâtir toute son existence. Une libération dont nous avons besoin s’il nous arrive de nous ériger en accusateurs, en redresseurs de tort. Un mal qui nous guette en Église, qui peut même se cacher sous une volonté de sensibilisation à une noble cause. Heureusement, ce n’est pas ainsi que veut travailler le CCFD-Terre Solidaire quand ses membres nous appellent à devenir semeurs de justice, de fraternité, d’espérance. Ils ne sont pas meilleurs que les autres ; simplement ils sont comme Isaïe, ils veulent faire passer un chemin dans le désert, des fleuves dans les lieux arides. C’est avec eux, en suivant les propositions faites par leur mouvement que nous pourrons reprendre avec le psalmiste : « quand le Seigneur ramena les captifs à Sion, nous étions comme en rêve ! »

       Reste la question : qu’a pu écrire Jésus sur le sable ? Des livres entiers ont tenté d’apporter une réponse, mais finalement peu importe le contenu. En revanche une théologienne protestante, France Quéré, voyait dans le fait que Jésus écrive sur du sable et non sur la pierre, comme l’avait fait Moïse, le signe de l’attendrissement de la loi : la miséricorde ne s’écrit pas dans la matière dure, la loi nouvelle se trace sur le sol meuble du cœur. Et cette miséricorde, elle est pour tous, pas seulement pour les femmes adultères !

André Jobard

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