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La pierre devant le tombeau
Un enfant de 8 ans posait un jour la question : « quand on est mort, c’est pour longtemps ? » Aujourd’hui, sans paraître surpris par cette curieuse demande, nous pourrions lui répondre à propos de Jésus : « ça a duré 48h ». Même si nous lui affirmons cela avec un certain aplomb, demeure en nous peut-être une réserve, la même qu’ont ressentie ces femmes, qui, premières témoins du tombeau vide « s’enfuirent, toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur ». Oui l’annonce de la résurrection de Jésus n’a rien d’évident, c’est l’évangéliste saint Marc qui le souligne. Pourtant demeure vivace en ces femmes, l’amour de leur ami Jésus; elles veulent lui rendre un dernier hommage en venant embaumer son corps. Elles savent qu’il y a un obstacle de poids, cette lourde pierre placée à l’entrée du tombeau, mais elles y vont quand-même, l’amour étant plus fort que tout. C’est alors qu’elles découvrent que la pierre a été roulée et que le tombeau est vide. Elles vont être invitées à regarder au-delà de ce qui leur paraissait immuable, c’est-à-dire la mort définitive, l’absence de toute perspective autre que la mort. Le crucifié (et non pas le mort, car ce n’est pas son état) n’est plus là ; il est ailleurs que là où elles l’enfermaient ; il est en Galilée, sans plus de précision, mais c’est là où grouille la vie, où se rencontrent des nationalités diverses, multiples, là où se joue le destin du monde. Heureusement qu’elles avaient à cœur de venir embaumer le corps de leur ami sans s’arrêter sur l’obstacle de la pierre fermant le tombeau ; c’est bien cette détermination qui leur a valu de faire l’expérience du ressuscité : j’appelle cela la foi, une foi qui donc ne vient pas au vu de Jésus ressuscité; elle est le socle qui permet de vivre l’expérience de la résurrection.
Cette foi, est-elle la nôtre ? Si nous sommes là ce matin, si nous avons eu le courage d’un lever très matinal, ne serait-ce pas le signe d’une foi en la lumière plus forte que les ténèbres ; ces ténèbres nous les connaissons : guerres, injustices, violences jusque dans nos quartiers, mésentente familiale, maladie, deuil, et tant d’autres contrariétés ou souffrances. De quoi parfois perdre confiance, désespérer de l’avenir. Pourtant demeure en nous une force qui nous permet de continuer le chemin . Une force que j’appelle la foi et qui peut être réactivée par un petit événement inattendu. Je voudrais juste vous citer ce qu’une personne m’a confié récemment, une situation familiale très tendue du fait de la maladie psychique de l’un des membres, des dérives d’un des fils à qui a été retiré son enfant de 12 ans désormais placé par les services sociaux: situation complexe, douloureuse, mais illuminée par la demande de ce petit garçon à ses grand-parents de lui offrir une croix pour le jour de Pâques ; croix que j’ai bénie de bon cœur tant elle représente pour cette famille au bord du gouffre un baume de tendresse. La résurrection a du sens, vécue dans un tel contexte si difficile.
Personnellement j’ai vu dans l’appel du pape aux Ukrainiens de proposer des négociations à leur opposant russe, l’expression d’une volonté de sortir de la spirale de la violence pour établir la paix. Cela paraît utopique, comme une pierre très lourde à faire rouler, mais n’est-ce pas un acte de foi qui nous donne de croire que Jésus est encore bien vivant et non plus enfermé dans les liens de la mort ?
Car la mort, pour répondre au petit enfant qui demandait si elle était pour longtemps, ne dure qu’un instant dans la mesure où nous croyons en la force de la résurrection du Christ, capable de faire sauter tous les obstacles que nous estimons infranchissables.
André Jobard
31 mars 2024 – Pâques