La première en chemin – homélie du 15 août 2019 – Assomption

        En manque d’inspiration pour cette homélie, j’ai ouvert Internet. Sur Google, j’ai tapé « Vierge Marie » et j’ai cliqué sur « images ». Sur l’écran est alors apparue une mosaïque de statues, en particulier celle de la grotte de Lourdes, qui nous est si familière, même si nous ne sommes pas allés à Lourdes, tant elle a été copiée dans nos églises et dans nos maisons, et d’autres statues du même style où Marie, toujours vêtue de blanc et de bleu, se tient debout parfois sur un globe terrestre, souvent couronnée d’étoiles. Il parait que Google classe les images avec un algorithme secret dont il consent seulement à dire qu’il traduit leur popularité. C’est donc l’image d’une Marie immobile, avec les mains jointes ou tendues vers la Terre, ou encore croisées sur sa poitrine, qui est le plus appréciée de ceux qui sélectionnent une représentation de Marie sur le net.

        Viennent ensuite les tableaux des artistes qui ont peint les épisodes de sa vie, en premier lieu l’Annonciation, thème le plus prisé des grands peintres italiens du Moyen Age et de la Renaissance, qui s’attachent à traduire la surprise et le consentement de Marie, mais aussi la jeune mère de Bethléem, agenouillée devant la mangeoire dans laquelle dort l’enfant Jésus, puis Marie debout au calvaire regardant Jésus mourant soucieux de confier sa mère à son disciple, et enfin Marie assise, recevant dans ses bras le corps supplicié de son fils. A chaque fois Marie est figée par l’émotion du moment, contemplative ou méditative. Même les statues de Marie pèlerine qui ornent les sanctuaires du chemin de Saint-Jacques la montrent certes le bâton à la main, la bourse à la ceinture, mais toujours immobile et majestueuse alors qu’on attend plutôt d’une pèlerine qu’elle soit en marche.

        En fin de liste, Google propose des dessins extraits de la Bible en bande dessinée ou des images de films comme le Jésus de Nazareth de Zeffirelli. Ces modes d’expression artistique modernes mettent Marie en mouvement et en paroles. Me sont alors revenues en mémoire les jeunes danseuses rencontrées à Taybeh en Terre Sainte qui faisaient penser par leur âge et leur gentillesse à la jeune Marie de l’Annonciation, et me sont venues dans la tête les paroles de la belle chanson de Raymond Fau « Marie, la première en chemin ». Oui, Marie a couru avec les filles de son âge, pétri le pain et puisé l’eau avec les femmes de Nazareth, dansé aux noces des villages voisins et joué avec son fils. Elle a aussi voyagé, à Bethléem, à Jérusalem plusieurs fois et même en Egypte (et ce n’était pas un voyage organisé). Elle a couru à travers le Temple à la recherche de son chenapan de fils qui avait oublié de prévenir qu’il serait un peu en retard et qu’elle ne s’inquiète pas.

        Mais surtout elle a cheminé avec lui, humblement derrière lui, sur les chemins de Palestine, la première en chemin, comme dit la chanson. La première étape de cette première en chemin est un détour : la Visitation. Marie va partager son bonheur de femme enceinte et ses interrogations avec Elisabeth, sa cousine, enceinte de Jean-Baptiste. Ce détour est significatif. D’abord physiquement : de Galilée en Judée, à pied, enceinte, sous la chaleur. Mais aussi symboliquement : trente ans plus tard, Jésus commencera lui aussi le chemin de sa vie publique par un détour vers Jean-Baptiste pour être baptisé. Et surtout spirituellement : en chantant le Magnificat, Marie s’annonce à elle-même ce qu’elle pressent du rôle de son fils à naître, le Sauveur, et du sens de ce chemin qui l’attend.

        La première en chemin est désormais au Ciel, auprès de son Fils. C’est le sens de la fête de ce jour.

        Quand nous prions Marie, nous reprenons les paroles d’Elisabeth, « Je vous salue Marie » et nous les complétons en terminant par « à l’heure de notre mort ». Nous espérons entrer alors dans la Gloire de Dieu. La tradition nous dit que Pierre a les clefs du paradis. J’aimerais bien, une fois la porte ouverte, que Marie se précipite vers les nouveaux arrivants au terme de leur pèlerinage sur terre pour nous accueillir comme elle a couru vers sa cousine et nous chanter à nouveau son Magnificat.

Vincent Boggio

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