La souffrance des victimes – homélie du dimanche 3 octobre 2021

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La souffrance des victimes

 

         « Des gens présentaient à Jésus des enfants pour qu’il pose la main sur eux. » D’autres traductions parlent de Jésus invité à toucher les enfants. Je vous avoue ma perplexité devant cette phrase, dans le contexte qui est celui de notre Église en ces jours. En effet doit paraître mardi prochain un rapport de la commission Sauvé sur les agissements criminels de religieux depuis l’année 1950, commission voulue par les évêques de France. Le rapport est annoncé comme accablant. Notre vicaire général, le père Eric Millot nous a écrit cette semaine, nous invitant à préparer nos communautés paroissiales à recevoir ce rapport qui fera certainement grand bruit dans les jours qui viennent. Recherchant ce que j’avais pu vous dire il y a 3 ans sur les textes que nous venons d’entendre, j’ai pensé que je n’aurais rien de très nouveau à vous en dire et c’est pourquoi voulant m’attarder sur la recommandation de notre vicaire général, je vous propose de relire, si vous le souhaitez, mon homélie d’il y a 3 ans, en la consultant sur le site paroissial

Relire l’homélie : Jésus nous rejoint à travers son corps – homélie du dimanche 7 octobre 2018

         Revenons donc sur ce rapport qui peut être un rendez-vous important pour notre vie d’Église, même si au premier abord il sera déplaisant, douloureux. C’est en effet un immense cri de souffrance de milliers de victimes qui réclament attention et justice. Pour cela ne le méprisons pas, il peut être l’occasion d’un vrai sursaut dans une prise de conscience de la misère de notre mère l’Église et du même coup le moment de la prise conscience de l’infinie miséricorde divine, que nous pourrons implorer, reconnaître et célébrer si nous acceptons de voir la dure réalité en face.

         Pour une bonne réception de ce rapport, il me semble qu’il y a plusieurs pièges à éviter. Tout d’abord ne pensons pas qu’après lui, la page sera tournée et que nous pourrons passer rapidement à autre chose. Non, ce serait ajouter de la souffrance à la souffrance des victimes. Il peut y avoir ensuite une sorte de regard historique qui nous ferait dire que ces agissements de pédophilie sont le fruit d’une époque révolue. Plus pernicieux encore serait une attitude de relativisme estimant que ce genre de situations ne se trouve pas que dans l’Église. Cela est vrai mais ne disculpe en rien sa responsabilité. Surtout cela est encore plus inacceptable si ce travail de reconnaissance que représente le rapport donne lieu à des leçons de morale à l’adresse des autres institutions, sous prétexte qu’elles n’en font pas autant. Et enfin on entend ça et là des réflexions selon lesquelles il y aurait d’autres urgences que ce problème de pédophilie.

         Vous le constatez avec moi, le danger existe de contourner cette réalité si pénible, et c’est pourquoi nous envisageons ici à la Visitation, à l’occasion de la pose de nouveaux vitraux dans la nef, d’inscrire ce moment de l’histoire de l’Église dans le programme remis à l’artiste grâce à quelques suggestions graphiques sur une ou deux fenêtres. Bien sûr la brochure explicative de l’ensemble des vitraux ne manquera de mentionner ce souci qu’a eu notre paroisse de ne pas oublier la souffrance des victimes, d’autant plus que des faits analogues ont eu lieu dans ses murs il y a une trentaine d’années.

         Dans notre prière, portons devant le Seigneur la misère de notre Église, dans la confiance que ce moment de vérité portera les germes d’une vie nouvelle.

André Jobard

3 octobre 2021