La vie traverse la mort – homélie du 15 avril 2022 – Vendredi Saint

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La vie traverse la mort

Chaque fois que je rentre dans cette église je suis ébloui par la croix majestueuse qui trône au-dessus de l’autel. Cette croix est vide, vide comme le tombeau au troisième jour. Elle est transpercée par la lumière. Elle rappelle que la vie traverse la mort. Elle est signe de la Résurrection, ce nœud de la Foi des chrétiens. Lors des célébrations d’obsèques elle aide à susciter ou à redonner de l’espérance. S’élevant dans le vide, elle dit aussi quelque chose de l’Ascension.

La Résurrection du Christ, ce sera dimanche à l’aube quand la lumière traversera la croix. Aujourd’hui c’est sa mort qui nous rassemble. La mort, un vendredi sur une colline de Jérusalem, de cet homme reconnu par ses amis comme le Fils de Dieu serait tombée dans l’oubli si ces amis n’avaient pas fait savoir qu’ils l’avaient reconnu après sa mort, si le regard qu’ils ont alors porté sur le chemin parcouru avec lui n’avait pas été illuminé par son Esprit à la Pentecôte au point qu’ils n’ont cessé de dire à tous les hommes que ceux-ci étaient sauvés, libérés du mal et de la mort.

Mort et résurrection sont indissociables pour produire le salut.

Aujourd’hui, nous méditons le versant sombre de ce couple qui nous sauve et nous tournons nos regards vers le Christ sur la croix. C’est le seul mort que l’on peut contempler sans se lasser. On regarde d’abord un corps, le corps d’un homme, jeune, supplicié selon un rituel sadiquement calculé pour le faire mourir après une lente agonie, écartelé par des clous qui le déchirent. Ses bourreaux ont voulu le ridiculiser en l’attifant d’une couronne d’épines et en l’abreuvant de vinaigre.

Ce corps est celui d’un homme, d’un frère en humanité. La contemplation se fait alors méditation et rejoint tous les suppliciés de la terre, les mitraillés, les décapités, les massacrés par lapidation, les enfants décharnés arrivés trop tard au centre de re-nutrition, les paysans explosés par une vieille mine abandonnée, les femmes violées par des soldats ivres de sang, les familles enfouies sous leur maison bombardée.

Ce corps d’un frère en humanité que nous osons fixer a été habité par le Fils d’un Dieu, un Fils égal de son Père, venu nous visiter. Il a porté un message d’amour jusqu’au bout du bout, la dernière minute, la dernière goutte de sang, le dernier râle « Tout est achevé ». Sa couronne est celle d’un roi d’amour.

Alors notre cœur se remplit de gratitude, d’action de grâce pour ce Dieu plein d’amour venu nous sauver et qui donne du sens à la vie des hommes de bonne volonté. Et nous avons envie de serrer dans nos bras ce Christ en croix, lui qui nous libère de notre dureté et nous pousse à la bonté.

Vincent Boggio
15 avril 2022 – Vendredi Saint