Le pain du ciel : à quoi bon ? – homélie du dimanche 8 août 2021

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Le pain du ciel : à quoi bon ?

 

         « Moi, je suis le pain vivant qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. » Voilà des paroles que nous connaissons certainement, habitués à les entendre depuis longtemps, mais paroles, avouons-le, qui ne passent plus du tout auprès de nos contemporains façonnés par une culture nouvelle, celle des médias, des réseaux sociaux, et de la technologie. Rassurez-vous, les auditeurs de Jésus non plus n’entendaient rien à son message, tout en lui disant : « on te connaît, tu es le fils de Joseph et de Marie, pour qui te prends-tu ? » Alors, pourquoi et comment ces paroles si étranges sont-elles parvenues jusqu’à nous ? Qu’est-ce qui fait qu’elles peuvent encore avoir du sens pour nous, comme elles en ont eu pour celui qui a écrit cette page d’évangile ?

         Je me mets dans la peau de son rédacteur, qui peut-être comme Élie (première lecture), ou bien comme nous, n’a plus trop foi en l’avenir. La situation mondiale est loin d’être stabilisée dans la paix, la pandémie reste une menace pour nos économies, pour notre vivre-ensemble, pour notre moral. Et la météo s’acharne à nous priver d’un vrai été. Il n’en faut pas plus pour nous faire perdre confiance. D’ailleurs les auditeurs de Jésus, surtout les premiers qui l’avaient suivi, ont vite déchanté quand ils ont compris qu’il ne voulait pas devenir leur roi, qu’il ne voulait pas être récupéré comme un gourou aux pouvoirs exceptionnels et sensationnels : en témoignait cette multiplication des pains, ce méga pique-nique improvisé et gratuit.

         En lisant l’histoire d’Élie, on a peut-être envie parfois d’agir comme lui, de baisser les bras, et de dire à Dieu : « c’est fini, je n’attends plus rien de la vie, je ne crois plus à la possibilité d’un retour à la paix, à la justice et à un changement universel pour la protection de la nature ». Élie alors se laisse aller, s’endort, se dessaisit de sa vie, et à ce moment-là il reçoit un signe, un signe qui va lui dire : « tout n’est pas perdu » : le pain et l’eau arrivent, lui sont offerts, comme l’était la manne au désert pour les Hébreux, ses ancêtres, ce pain tombé du ciel, et du coup sa fuite va changer de sens, il va maintenant vers la montagne de Dieu : quelque chose de neuf apparaît.

         En se qualifiant ‘pain tombé du ciel ‘, Jésus veut amener ses auditeurs et nous aussi à se souvenir de cet épisode d’Élie et de la manne au désert, signes de l’attention de Dieu à leur histoire : lui-même, Jésus, est signe de cet amour de Dieu. Sa vie donnée, sa vie de service, d’écoute du plus malheureux, de l’exclu, de l’étranger, du malade, ne serait-elle pas ce pain tombé du ciel, signe de la proximité de Dieu à nos vies ? Dans les moments de doute, de désespoir peut-être aussi, où revient la question fondamentale de l’existence, il y a toujours ce pain cuit sur la braise, cette cruche d’eau, ce pain qui fait vivre éternellement, je pense à toutes ces petites choses de la vie, une carte postale, un sourire, une réussite à un examen, un paysage grandiose, une lecture stimulante, un beau film, toutes choses qui nous permettent de continuer le chemin ! Car ce chemin n’est plus un chemin d’errance, mais un chemin habité d’une présence, un chemin de vie, celui de Jésus, mort et ressuscité.

André Jobard

8 août 2021