Le pardon, chemin de vie – homélie du dimanche 13 septembre 2020

 

Le pardon, chemin de vie

 

        « Le texte évangélique parle de lui-même, l’homélie pourra demeurer brève » ; telle est la phrase que j’ai lue dans une des nombreuses revues liturgiques. Bien entendu j’ai immédiatement applaudi, tout en réalisant qu’il n’est pas plus facile de faire court que de faire long. Il est vrai que l’évangile parle de lui-même, à travers cette parabole, qui est une réponse à la question de Pierre, toujours soucieux d’inscrire sa vie dans le respect des règles, au lieu d’entrer dans la perspective ouverte par Jésus au sujet du pardon. Un sujet qui arrive au sommet de diverses dispositions que Matthieu a écrites et que nous avons entendues les dimanches précédents. Ce qui souligne l’importance primordiale accordée par Jésus à cette obligation du pardon.

        Je réfléchissais à cette réalité du pardon cette semaine où a commencé le procès des attentats de Charlie Hebdo, et où on commémorait le fameux 11 septembre, l’attaque des tours de New York. Comment peut-on demander aux victimes de ces terribles violences de pardonner à leurs bourreaux ? Une blessure grave peut-elle être totalement pardonnée ? N’est-ce pas irréaliste de la part de Jésus, et à sa suite de la part de ses disciples, d’appeler au pardon alors que nous sommes face à des actes impardonnables ? D’ailleurs le reproche est aussi adressé à l’Église, quand elle prêche le pardon, alors qu’on sait que sous prétexte de pardon elle a pu couvrir dans le passé des faits criminels accomplis par ses ministres.

        C’est là qu’il nous faut revenir à la parabole, qui par ses outrances (notamment ce débiteur qui doit des sommes totalement irréelles), nous fait entrer dans la pensée de Dieu. Malgré l’énormité de la dette, le maître (Dieu) se laisse attendrir et est saisi de pitié ; au lieu de rester sur une revendication , sur un droit qu’il pouvait exiger, il garde un cœur face à la misère de cet homme incapable de rembourser sa dette. Une attitude qui aurait dû retourner le cœur de ce débiteur et le rendre à son tour compatissant vis à vis de celui qui lui devait une modeste somme. A ce moment-là, on peut être surpris et même consterné que cette mansuétude de la part du maître n’ait pas enclenché une dynamique vertueuse. Comme quoi, nous dit Jésus par cette parabole, même Dieu peut rencontrer l’échec, ce qui veut dire que ce chemin du pardon est loin d’être facile.

        Nous nous trouvons là en face de l’exigence du pardon, ce sur quoi nous serons jugés à la fin de notre vie (« c’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur »). Même si des situations semblent totalement bloquées, nous sommes appelés à cultiver cette force du pardon. En contemplant Jésus sur la croix, en entendant sa prière où il demande à son Père de pardonner à ses bourreaux (n’ayant certainement plus la force de le faire lui-même), nous savons que le pardon est le seul chemin de vie, celui de la résurrection. Et je terminerai en citant de mémoire cette parole du père d’une des victimes du carnage du Bataclan à l’adresse des terroristes : « vous n’aurez pas ma haine. » Elle avait fait le tour du monde et en avait ému plus d’un.

André Jobard

Télécharger au format pdf