Le sang du Christ – homélie du dimanche 6 juin 2021

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Le sang du Christ

 

         J’ai relevé cette semaine dans la presse que les hôpitaux français manquaient cruellement de sang à l’approche de l’été. Dans les temps où ont été écrits les textes que nous venons d’entendre, le sang ne semble pas manquer; on en asperge sur les autels et sur le peuple (dans la première lecture), l’auteur de la lettre aux Hébreux nous dit que Jésus a versé son sang, et Jésus compare le vin qu’il offre à ses amis au cours de son dernier repas avec eux, au sang qu’il va verser quelques heures après sur la croix. Pourquoi donc cette profusion d’allusions au sang, signe de violence et de mort dans ce texte pacifique qu’est la Bible et proclamé dans une célébration qui doit être un havre de paix ?

         Le sang c’est la vie, la vie du corps. Quand il s’écoule hors de l’organisme, la mort n’est pas loin. Quand il fait défaut à un malade, sa survie est compromise. Le sang a de tout temps eu un sens symbolique très fort. Les expressions liées au sang sont nombreuses: ‘il a ça dans le sang’, ‘avoir le sang chaud’, ‘mon sang n’a fait qu’un tour’, ‘ils sont du même sang’ etc… Elles disent combien le sang c’est la vie. Et c’est à partir de là qu’on peut comprendre pourquoi il en est tant question en cette fête du corps et du sang du Christ qui nous réunit aujourd’hui. Oui, fêter cela c’est reconnaître l’immensité du don que Jésus a fait pour nous, puisqu’il nous a donné sa vie ; il a donné ce qu’il avait de plus précieux, ce qui lui appartenait en propre. Il n’ a pas fait semblant, il ne s’est pas contenté d’un pieux discours, il s’est livré, pas seulement pour ses quelques amis réunis autour de lui, ses fidèles, mais pour la multitude. Si bien que manger le corps du Christ et boire son sang, c’est vraiment recevoir sa vie, son amour, pour nous en nourrir, comme une nourriture qui entretient la vie. Réalisons-nous la portée de ce don inégalé ?

         Cependant manger le corps de Jésus, boire son sang, ce n’est pas seulement profiter de son amour, en jouir pour notre propre intérêt, c’est nous associer à l’offrande qu’il fait de sa vie ; c’est faire, à notre tour, de notre vie une offrande, un don pour la multitude, c’est-à-dire un don sans réserve, sans exclusion. Non pas en nous livrant au martyre, comme le font des terroristes au nom d’une prétendue volonté divine, mais tout simplement dans notre quotidien en mettant toujours en avant le souci de l’autre, le désir de son bonheur. C’est ce que nous faisons sans même en avoir toujours conscience ; c’est l’investissement de tant de femmes, d’hommes auprès de leurs proches malades, fatigués, ou dans le cadre d’associations caritatives ; c’est ce que vivent tous les consacrés qui dans leurs prières quotidiennes portent la vie du monde. C’est ce qu’un enfant peut accomplir de grand quand il se met à l’écoute d’un camarade en souffrance et l’invite à partager ses jeux. C’est ce que nous réalisons dans notre profession, dans nos engagements politiques, syndicaux, associatifs, amicaux, de voisinage. Que l’on soit croyant ou pas, c’est toute la dynamique de la vie qui peut être offrande, comme l’a été celle de Jésus. Dans notre foi chrétienne, nous rappelons ce geste de Jésus, nous communions à son offrande, à son sacrifice, nous associons tous les gestes d’amour portés par nos frères et sœurs en humanité à celui de Jésus, qui a donné sa vie pour nous et qui dans ce don librement vécu a retrouvé la vie, la joie, toutes réalités que nous découvrons à notre tour chaque fois où nous mettons en priorité le souci de l’autre avant nos propres avantages. Ainsi nous participons au repas de Jésus qui a donné sa vie, son sang pour l’humanité toute entière.

André Jobard

6 juin 2021