Le véritable amour – homélie du dimanche 31 octobre 2021

télécharger au format pdf

 

Le véritable amour

 

         Lors des rencontres où les jeunes parents expriment les raisons de demander le baptême pour leur enfant, souvent revient l’idée que la religion chrétienne est porteuse de grandes valeurs, dont celles du respect, de la tolérance, de la paix. Pour eux la foi est synonyme d’amour. Ce à quoi Jésus leur répondrait comme au scribe de l’évangile « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu », tout en précisant qui il faut aimer d’un même amour, Dieu et le prochain.

         Cela dit, aimer n’est pas si simple qu’on le dit : nous connaissons les limites de notre capacité à aimer, notre difficulté à aimer le différent de nous, l’ennemi, ou tout simplement celui qui nous est le plus proche. Notre écoute, notre patience, notre tolérance sont mises à mal, tandis que nous éprouvons toujours le sentiment de la distance avec l’être aimé. Car aimer suppose d’aller jusqu’à cette phase ultime, celle de la reconnaissance de la liberté de l’autre, qui est une dépossession. Aimer ce n’est pas posséder, c’est respecter la liberté de l’être aimé, le conjoint, l’enfant, l’ami, le collaborateur, le paroissien. Que de fois n’éprouvons-nous pas cette difficulté à aimer, alors que nous avons mis tout notre cœur, toute notre intelligence pour une véritable relation d’amour. J’entends de nombreux parents qui sont bousculés devant les choix opérés par leur enfant, ce qui oblige à poursuivre les liens d’affection au-delà des divergences parfois si lourdes à admettre. J’entends aussi des enfants, des jeunes, perdus dans des relations compliquées avec des copains, avec une petite amie. J’entends nos sociétés prises dans le tourbillon de la consommation, du progrès à tout-va et qui réalisent qu’il y a tant d’hommes à aimer, tous ces exclus du progrès. J’entends également ces couples qui voudraient renouer le dialogue et qui n’arrivent plus à se parler ; j’entends enfin ces peuples, au bord de l’affrontement, qui savent que la paix sera plus exigeante que la guerre. Eh oui, qu’il est difficile d’aimer en vérité.

         C’est là qu’il nous faut revenir à l’évangile, où Jésus lie intimement les 2 commandements de l’amour : amour de Dieu, amour du prochain. Il les pense inséparables l’un de l’autre. En effet l’amour du prochain qui, comme nous venons de le voir, a tôt fait de buter sur des impasses, ne pourra s’accomplir que s’il s’ouvre à plus grand que lui, que s’il consent à ne pas être un absolu, et à être bousculé. C’est reconnaître ceci : « je n’aurai jamais fini d’aimer, je serai toujours appelé à dépasser ma propre vision de l’amour du prochain . » En quelque sorte c’est me déposséder de mes seules forces, de mon orgueil, afin que mon amour ne se referme pas sur la personne aimée, et la tienne prisonnière de mon amour. N’est-ce pas là que Dieu peut trouver sa place, comme Celui que j’ai à aimer parce qu’il m’aime, parce qu’il me comprend dans mon désir d’aimer et m’appelle à renoncer à ma supposée toute-puissance, qui au final serait mortifère pour moi. De là la nécessité de rester à l’écoute, le tout-premier des commandements selon le commandement de Moïse : « Écoute, Israël ! » Oui, écouter ce que ma conscience, c’est-à-dire l’Esprit, me souffle pour des relations vraies, c’est le plus sûr chemin pour le bonheur, celui sur lequel Jésus s’est engagé en donnant sa vie par amour.

André Jobard

31 octobre 2021