Les Cendres, comme une piqûre de rappel – homélie du mercredi 2 février 2022 – Cendres

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Les Cendres, comme une piqûre de rappel

 

         Avec la célébration des Cendres, nous voilà repartis comme tous les ans pour 40 jours de carême. L’imposition des cendres sur le front est une piqûre de rappel, douce, parfaitement indolore, sans effet indésirable, demandée et reçue en toute liberté, mais qui ne donne pas droit à un pass sanitaire ni même spirituel. Cette énième dose est un stimulus pour une énième conversion, une énième transformation pour nous unir plus intimement à Dieu. Nous en attendons un renforcement de nos capacités de défense contre le mal, de nouvelles forces de combat spirituel. Pourtant nous connaissons bien la fragilité constitutionnelle de ces capacités. C’est à cause des limites de la condition humaine rappelées par ces cendres que l’effet des Cendres s’atténue avec le temps et que nous aurons nécessairement besoin d’autres séances de rappel. La prochaine est déjà programmée : ce sera le mercredi 22 février 2023.

         Nous n’attendons pas de l’imposition des Cendres un effet magique. La cendre ne pénètre pas la peau comme une huile sainte. Sa trace s’estompe. Elle est seulement un signe d’appel qui attend le relais d’une volonté de conversion et de transformation.

         Pour nous aider, l’Église nous fait trois propositions équilibrées : la prière, le jeûne et l’aumône. Équilibrées parce que la prière nous tire vers Dieu, l’aumône nous pousse vers les autres et le jeûne nous recentre sur nous-même. Le jeûne met en jeu notre corps tant physique que mental. Il s’agit par une restriction volontaire de créer un état de manque qui conduit à la faim. Cette sensation désagréable de désir, d’ordinaire destinée à rappeler qu’il est temps de manger pour continuer à vivre, est alors reçue et acceptée comme le rappel spirituel que c’est Dieu la source de Vie à laquelle il faut rester connecté à tout instant. L’aumône concerne notre rapport aux autres, ceux qui sont en manque, dans le besoin. Il s’agit de donner selon ses moyens et ses talents de l’argent, de la nourriture mais aussi du temps, du service, du savoir et surtout de l’amour. « Carême » rime avec « aime ».

         Reste la prière. Depuis le début de la guerre en Ukraine, chacun s’interroge : que puis-je faire pour la paix ? Et la réponse coule, tout simple : on peut toujours prier. Oui, la prière pour la paix est un chemin de conversion qui signe notre désir, notre soif de justice et d’amour. Oui, mais « à quoi bon ? » C’est le titre de la page « religion » du journal La Croix d’aujourd’hui. Puisque Dieu désire la paix, à quoi bon le supplier ? La paix est d’abord le problème des humains, victimes et bourreaux. On peut prier pour les victimes pour que la violence ne l’emporte pas sur leur paix intérieure. Peut-on prier pour Vladimir Poutine en espérant qu’un fond d’humanité et d’empathie enfoui se réveille en lui ? Il peut sembler plus raisonnable de prier pour que les opposants russes à Poutine trouvent le courage de se faire entendre malgré la répression et que les chrétiens orthodoxes russes ouvrent les yeux malgré l’aveuglement inquiétant de leur patriarche, qu’ils se fassent messagers de paix et qu’ils reprennent à leur compte la prière publiée sur le site de l’Église orthodoxe ukrainienne : « Seigneur Jésus-Christ notre Dieu, Tu as détruit le mur d’inimitié, Tu as accordé la vraie paix à Ton peuple, et Tu as appelé les artisans de paix ‘bienheureux fils de Dieu’. Nous T’implorons : bénis ceux qui recherchent la vraie paix et ceux qui travaillent pour cette cause. Éclaire les esprits et les cœurs de tous ceux qui veulent s’engager dans l’œuvre agréable au Dieu de la paix. » Cette prière n’est pas dirigée contre la Russie. C’est une prière de paix.

Vincent Boggio
2 février 2022