Même vos cheveux sont tous comptés – homélie du dimanche 21 juin 2020

 

Même vos cheveux sont tous comptés

 

        Il était une fois, tout un pays se remettait en marche après un épisode inédit de confinement presque absolu ; un curé d’une grande paroisse de banlieue faisait face, tant bien que mal, à la reprise du culte, et en préparant son homélie, voilà qu’il tombe sur une page d’évangile, qui l’a un peu surpris : Jésus en effet ne trouve rien de mieux pour le rassurer que d’annoncer que Dieu connaît tous ses cheveux. Voilà bien une drôle d’idée ; compter les cheveux et les progrès de la calvitie, comme si Dieu n’avait rien d’autre à faire.

        C’est donc ainsi que la parole de Dieu nous rejoint aujourd’hui : une parole que j’aime particulièrement. J’aime bien l’allusion à la conscience, à cette voix qui nous parle au plus profond de nous, même si cette voix n’est autre que celle d’un ami, d’un parent, d’un conjoint, d’un supérieur : une voix qui nous permet de discerner avec d’autres ce qui peut être bon pour nous et autour de nous.

        J’aime bien aussi cette mise en garde de Jésus sur le danger que nous fait courir celui qui peut faire périr l’âme aussi bien que le corps. J’aime bien parce que je vois tout de suite (et surtout chez les autres!) ce qui peut faire perdre son âme : l’amour des richesses, le sentiment d’avoir raison, toutes choses qui empêchent l’amour et la compassion.

        Mais ce qui m’impressionne le plus dans cette parole, c’est l’appel à la confiance et à la sérénité. Nous en avons terriblement besoin, et peut-être encore plus en ces jours où nous vivons dans une grande incertitude du lendemain. Pendant le temps du confinement nous avions peut-être rêvé d’un ‘après’ qui devait être différent de ‘l’avant’. Or bien des événements, des prises de paroles viennent casser cet espoir, je pense notamment à la violence qui est toujours là, par exemple celle qui s’est déployée à Dijon le week-end dernier ; je pense à la peur ressentie par beaucoup d’un retour de l’épidémie, je pense à tous ces enfants, ces jeunes privés d’école, de copains, de rencontres de catéchèse ou d’aumônerie, de camps d’été ou de vacances avec les grands-parents ; je pense à toutes ces personnes âgées recluses dans leur chambre sans contact physique et affectueux avec leurs proches.

        Comment alors entendre Dieu qui nous invite à ne pas craindre ? Dieu a-t-il pris vraiment la mesure de notre questionnement, de nos doutes, de notre réalité d’aujourd’hui ? Finalement la religion serait-elle complètement déconnectée de la vie ? C’est un reproche qu’on entend. La réponse à cette interrogation, je la trouve dans cette parole de Jésus : « celui qui se prononcera pour moi devant les hommes, moi aussi je me prononcerai pour lui devant mon Père » Que veut-dire ‘se prononcer devant les hommes pour Jésus’, sinon agir comme lui, donner de soi, de son temps, de son affection pour le frère en difficulté, se mettre à son service comme Jésus l’a fait à notre égard. Un grand défi à relever, mais source de paix profonde et véritable.

        C’est peut-être cette paix que nous donne le Père, qui nous connaît réellement ; ce qui fait dire à Jésus qu’il s’intéresse à nous jusqu’à se soucier du nombre de nos cheveux.

André Jobard

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