Mes pensées ne sont pas vos pensées – homélie du dimanche 20 septembre 2020

 

Mes pensées ne sont pas vos pensées

 

        Il était une fois, au journal télévisé de 20h : il avait été annoncé que désormais les employés à temps partiel et les chômeurs allaient être payés exactement comme les travailleurs à temps plein et les plus anciens dans leur entreprise. La réaction ne se fit pas attendre : à la fois une grande joie pour ceux qui se trouvaient immédiatement à la tête de revenus inespérés, et bien sûr une colère réelle chez tous ceux qui se considéraient lésés dans cette histoire, criant à l’injustice d’une telle décision. Le ministre à l’origine de celle-ci avait tenté d’expliquer que nous étions entrés dans le monde d’après, d’après la Covid 19, vous aviez deviné, et que tout était mis à l’envers. Cette nouveauté avait apporté un peu de baume au cœur à tous ceux qui avaient été scandalisés en entendant que les futurs vaccins contre ce méchant virus allaient être réservés à ceux qui ont les moyens de les payer, c’est-à-dire aux pays riches (et accessoirement les plus chrétiens), laissant les pauvres africains et autres malchanceux du sud de la planète démunis devant le ravage de cette pandémie.

        Les auditeurs de la parabole de Jésus, appelée la parabole des ouvriers de la 9° heure ont dû avoir la même réaction que ceux, sortis de mon imagination, installés dans leur canapé, écoutant cette fiction sur l’égalité de traitement entre travailleurs précaires et ceux ayant un emploi stable depuis longtemps. Ils avaient été pourtant préparés à entendre ces paroles de Jésus puisque le prophète Isaïe avait déclaré : « Mes pensées ne sont pas vos pensées ». En avons-nous vraiment conscience, conscience que la façon de juger de Dieu n’est pas la nôtre, quand nous nous installons dans notre seule logique comptable, y compris dans notre rapport à notre vie de chrétiens ? Quelle serait notre réaction si je vous disais : « dimanche prochain, c’est un ancien prisonnier condamné pour vol qui fera la quête, c’est une femme à la réputation légère qui vous donnera la communion, et c’est une maman qu’on n’a jamais vue à l’église qui va faire le caté à nos gamins », je pense qu’il y aurait quelques soubresauts dans notre assemblée. Et plus profondément notre culpabilité après une faute, une infidélité, un mensonge, n’est-elle pas en réalité l’expression d’une atteinte à notre orgueil de nous croire sans péché et meilleur que d’autres ? Si nous nous reconnaissons pécheurs, est-ce pour accueillir joyeusement le pardon de Dieu, ou bien par peur d’être relégué à la dernière place et rejeté par Dieu ?

        Oui, elle est pour nous, pour moi, cette parabole. Comme nous y invite Isaïe, cherchons le Seigneur, c’est-à-dire allons au-delà de nos idées toutes faites, de nos préjugés, de nos jugements hâtifs sur les autres qui n’ont pas les mêmes valeurs que nous. Et s’il doit y avoir une nouveauté après l’épreuve que nous traversons, elle doit se manifester pour nous chrétiens par ce regard tout neuf sur les mœurs de Dieu, le regard de Jésus. Même s’il ne s’agit pas de transposer la parabole des ouvriers à notre économie, comme prétendait le faire le journal télévisé fictif dont je parlais au début, n’oublions pas qu’avec Dieu, nous ne serons jamais quittes, tant sa bonté est immense. A nous de dire au monde que la nouveauté de l’après, ça sera l’amour universel, y compris l’amour envers les derniers des derniers.

André Jobard

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