Nous et la mort – homélie du lundi 2 novembre 2020

 

Nous et la mort

 

        Pendant l’année écoulée, nous avons été rejoints par la mort. Souvent doublement.

        Rejoints par la mort d’une personne avec laquelle nous avons vécu, parfois très longtemps, et que nous avons aimée et qui nous a aimés. Même quand cette mort était attendue, parfois comme une délivrance, elle nous a fait mal. Nous avons pleuré, nous avons ressenti douloureusement l’absence, nous avons revisité les années communes en rangeant des affaires, en égrenant les joies et les peines, les ombres et les lumières de la vie partagée, au prix parfois de quelques regrets. Et cette mort récente a pu raviver d’autres morts plus anciennes.

        La mort nous a aussi rejoint à travers la présence insidieuse de la Covid-19 qui nous accompagne depuis de longs mois. Chaque jour nous entendons que cette maladie peut être mortelle. Nous sommes invités à nous protéger et à protéger les autres, surtout ceux que l’âge ou d’autres maladies rendent fragiles. Plongés dans la viscosité de l’incertitude, nous cherchons par des discussions de masque et de confinement à oublier nos peurs, celle d’être malade et possiblement de mourir, celle de donner la maladie et peut-être la mort. Il peut nous arriver de voir en quelqu’un de peu précautionneux, un possible porteur de mort. Et cette pensée nous attriste.

        Au cours de la préparation et de la célébration des obsèques, parfois rendues encore plus pénibles par les mesures de restriction sanitaire, les membres de l’équipe d’accompagnement au deuil de la paroisse ont partagé votre peine, en vous rappelant la tendresse et la miséricorde de Dieu, si souvent évoquées dans les psaumes. A travers les rites de la lumière et de l’eau, ils ont voulu renforcer votre confiance en la vie éternelle, une vie qui se prolonge après la mort, en Dieu, avec ceux que nous aimons, et qui nous précèdent ou nous rejoindront dans cette vie sans souffrance, sans mal, sans péché.

        Cette confiance s’enracine dans cet événement inouï, qui est au cœur de la foi des chrétiens. Il y a 2000 ans, Jésus-Christ le fils de Dieu est ressuscité. Cet événement annoncé dans l’évangile que nous venons d’écouter, a tellement bouleversé les hommes et les femmes qui en ont été témoins qu’ils n’ont eu de cesse de le faire savoir, jusqu’à donner leur vie. Cette confiance, transmise à travers les siècles, nous est parvenue. Jésus a traversé la mort, comme le rappelle la lumière qui perce la croix au-dessus de l’autel. Il a ouvert une porte dans le mur de la mort à travers laquelle il nous entraîne.

        Cette espérance dans une vie qui se prolonge auprès de Dieu devrait atténuer notre peur de la mort. D’ailleurs certains incroyants disent aux chrétiens avec sincérité et envie, ou sur un ton moqueur : « Vous avez de la chance, vous croyez en la vie éternelle. Vous n’avez donc pas peur de mourir. » C’est un peu facile ! Car la mort, c’est aussi une séparation douloureuse pour ceux qui restent.

        Pour rester sereins, relisons la lettre de Paul aux Philippiens dont nous venons d’écouter quelques phrases. Paul faisait partie des premiers disciples de Jésus. Il a été un pilier de l’Église, un monument de la Foi, un fou de Dieu. Cela donne du poids à ses paroles étonnantes : « Je me sens pris entre les deux : je désire partir pour être avec le Christ, car c’est bien préférable ; mais, à cause de vous, demeurer en ce monde est encore plus nécessaire. » N’ayons donc pas honte d’avoir envie que notre vie sur terre se prolonge, ne serait-ce que parce que les autres ont besoin de nous.

Vincent Boggio

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