Oser la fraternité – homélie du dimanche 5 septembre 2021

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Oser la fraternité

 

         « La fraternité est-elle possible dans notre monde ? » Telle était la question posée par le prédicateur au tout début de la retraite que j’ai suivie cette semaine (avec Patrice). Une question pertinente en ces temps mouvementés que nous vivons, et qui peuvent mettre à mal tout élan, tout projet, tout rêve de fraternité. C’est peut-être la question que se posaient les interlocuteurs d’Isaïe (1ère lecture), eux aussi confrontés à de gros problèmes, et à qui Dieu adresse des paroles d’encouragement et promet toutes sortes de miracles : les yeux des aveugles s’ouvriront, les sourds entendront, les boiteux bondiront comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie. Miracles que Jésus réalise, et dans notre évangile du jour, effectivement il ouvre les oreilles et la bouche du sourd-muet. En analysant de près cet épisode, je crois qu’effectivement un même miracle s’accomplit encore aujourd’hui et répond au défi de la fraternité, que nous souhaitons tous voir grandir.

         Un premier élément me semble intéressant à relever : le fait que Jésus va en plein territoire de la Décapole ; plus que sur une précision géographique, l’évangéliste saint Marc insiste sur l’ouverture de Jésus qui s’immerge totalement dans cette région étrangère et païenne, au point d’adopter les mœurs locales de guérison, d’où ces détails surprenants sur la façon dont il a procédé, ce qui est très rare dans l’évangile. Une démarche très forte symboliquement : le salut apporté par Jésus est un salut pour tous, un salut universel, qui manifeste que nous sommes tous frères. Il n’y a pas d’exclus, d’étrangers à cette compassion de Dieu, révélée par le geste de Jésus, notre frère à tous.

         « Ouvre-toi, Effata ! » Arrêtons-nous sur cet ordre adressé à ce sourd-muet. Je me souviens d’une maison, dans le quartier de Montchapet à Dijon, appelée « Effata », et qui abritait l’aumônerie du lycée voisin. Ce nom avait été donné à cette maison, pour inviter les adolescents qui la fréquentaient à sortir de leurs peurs, de leurs a priori sur tel ou tel copain ou professeur, et à ouvrir leur cœur et leur intelligence aux événements du quotidien, même les plus petits, banals, insignifiants à première vue, mais dont le regard apporte une vraie densité à l’existence. Je crois que cela vaut aussi pour nous, quel que soit notre âge, quelle que soit notre situation actuelle : oui, nous ouvrir à ce qui peut se passer dans le moindre recoin de nos vies, comme dans les tribulations du monde. C’est la seule condition pour sortir de notre défaitisme ambiant, de nos colères contre les obligations de toute sorte qui régulent notre vie en société.

         Alors, laissons-nous toucher par Jésus, comme ce sourd-muet de l’évangile ; il veut réveiller notre foi, notre confiance en l’avenir, de sorte que prenne corps la promesse d’Isaïe : « voici votre Dieu ; Il vient lui-même et va vous sauver ! ». Et saint Jacques, toujours concret dans ses recommandations pour consolider la fraternité nous propose d’être sans parti-pris avec tout homme, toute femme, sans nous attarder sur la fortune de l’un ou l’indigence de l’autre. Osons la fraternité : un beau programme en ce début d’année.

André Jobard

5 septembre 2021