Pas de paix sans justice – homélie du dimanche 9 mai 2021

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Pas de paix sans justice

 

         Cette fin de semaine, nous vivons sous le signe de la paix, l’armistice de 1945 mettant un terme à une des plus terribles guerres qu’a connues l’humanité. Et 9 mai, c’est la journée de l’Europe, rappel de cette date du 9 mai 1950 où fut posée la première pierre de l’union des peuples européens. Deux événements qui laissaient penser qu’allait s’ouvrir une période de paix après tant d’années de violence et de souffrance. Une aspiration à la paix qui rejoint le message central de toute cette parole de Dieu que nous venons d’entendre : oui quelle densité dans tous ces textes ! Dans l’évangile nous avons droit au testament de Jésus peu de temps avant sa passion, relu par la communauté chrétienne de la fin du 1er siècle. Il est question d’amour, de joie, d’amis, de choix, de porter du fruit, de demeurer, de donner sa vie: tous des termes qui décrivent une atmosphère de sérénité, de paix, de vie pleine.

         Avec toute cette énumération de propos si pacifiques, je pensais que vous alliez lever la main pour me dire : « stop, regardez l’actualité, sortez de votre bulle, le monde n’est pas ce que vous décrivez, nous sommes en pleine violence. Chaque jour apporte son lot de massacres, de guerres, d’injustices, de violations des droits humains les plus élémentaires, tandis que ne s’est jamais si bien porté le commerce des armes ». Effectivement étrange paradoxe entre d’une part ces promesses de paix, ces mots apaisants de la parole de Dieu et d’autre part l’actualité si brûlante ? Voyons comment il pourrait résonner dans notre propre agir de chrétiens.

         Tout d’abord n’oublions pas que l’évangile a été écrit à une communauté en proie à la contradiction, à la contestation, à la persécution. Dans l’atmosphère de peur et de violence qu’elle vivait, elle a eu besoin d’entendre ces mots de Jésus qui appelait à l’amour mutuel, et à demeurer en lui, à garder confiance en lui. Elle a compris que face à la violence dont elle était victime, le mieux était de croire à la force de l’amour plutôt qu’à celle des armes. Elle a rejeté les fausses sécurités que prônent depuis la nuit des temps des régimes autoritaires ou des partis politiques dont le fond de commerce se limite à alimenter la peur et le rejet de l’étranger. Elle n’a cessé de célébrer Jésus qui a donné sa vie, qui a pardonné à ses bourreaux et qui est sorti ainsi vainqueur de la haine et de la mort. Une belle leçon pour nous, certainement déstabilisés par le tour des événements actuels où la tentation est forte de nous replier sur nous-mêmes, sur nos principes, quitte à faire l’impasse d’une réflexion sur les causes de cette violence. Oui, cette parole nous donne accès à un autre univers que ce climat délétère dans lequel nous enferme une certaine lecture de l’actualité.

         Mais comment donner corps à cette dynamique d’amour, de respect de l’autre dans sa différence, sinon en changeant totalement nos repères, nos valeurs, bref notre agir quotidien ? Nous sommes ressuscités avec le Christ, pour que nous menions une vie nouvelle, nous a redit saint Paul le matin de Pâques : parole en l’air, belle parole pieuse, ou parole effective, efficace ? Pour cela il nous faut sans cesse revenir à cette parole d’amour, qu’elle soit à la source de notre réflexion avant toute décision importante, qu’elle nous engage sur ce beau chemin de la fraternité universelle. Nous avons à nous soutenir les uns les autres dans cette disposition intérieure, c’est le rôle d’une paroisse, et des groupes auxquels nous appartenons. C’est un enjeu vital pour que notre monde retrouve la paix, sans se laisser conduire par de fausses promesses de sécurité qui oublieraient cette autre parole du psaume : « justice et paix s’embrassent » (ps 84).

André Jobard

9 mai 2021