Pratiquer – homélie du dimanche 22 novembre 2020

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Pratiquer

 

       « Il était croyant mais non pratiquant ». C’est souvent par ces mots que les proches d’un défunt qui viennent demander une cérémonie à l’église pour ses funérailles évoquent sa vie de chrétien éloigné de la messe. Tantôt, c’est énoncé comme une catégorie sociologique. Parfois on perçoit une crainte, la crainte que l’Église ne l’accueille pas en plénitude – « On voudrait juste une petite bénédiction » – ou encore un soupçon d’inquiétude sur son accueil dans la vie éternelle, parfois teinté de remords.

        Effectivement, Jésus le Christ a bien ajouté « Vous ferez cela en mémoire de moi » après avoir donné le pain à ses disciples en disant « Prenez et mangez : ceci est mon corps ». Cependant il n’a précisé ni quand, ni où, ni à quelle fréquence. Peut-être pressentait-il que ce ne serait pas possible toujours et partout. Surtout il ne souhaitait pas fixer de normes cultuelles à ses disciples, lui qui avait tant reproché à certains de ses frères juifs leur rigueur inquiète dans l’application des règles du culte et notamment du sabbat.

        De nombreux chrétiens aiment faire mémoire de ce dernier repas de Jésus au cours du rassemblement dominicale de leur communauté autour de la Parole de Dieu, de la prière et de la fraction du pain de Vie, le corps du Christ, qui nourrissent leur mission dans le monde. Ils souffrent d’un manque quand ils ne peuvent pas aller à la messe.

        Dans l’évangile de Matthieu ce dernier repas de Jésus avec ses disciples est précédé d’un dernier discours qui met en scène le grand Jugement. Ce passage, proposé aujourd’hui pour la fête du Christ Roi de l’univers (Mt 25, 31-46), récapitule son évangile. Clairement il annonce à ses disciples, et donc à tous ceux qui deviendront chrétiens, sur quoi le fils de l’Homme les jugera : non pas la pratique cultuelle, ni même la profession de Foi qu’il a si souvent louée chez ceux qu’il a rencontrés, mais les actes de charité – on peut dire « amour » pour ceux qui trouvent que charité est désuet – Leur énumération rappelle les Béatitudes.

        Il ne s’agit pas seulement de bonnes actions, mais d’un combat pour les droits de l’homme, pour ses besoins essentiels : la nourriture et la boisson, la vêture et la socialisation quand il s’agit d’étrangers, de malades ou prisonniers. On pourrait actualiser avec l’éducation, la communication, le travail… Ce combat est toujours d’actualité, renforcé en temps d’épidémie. Chacun ne peut pas tout faire mais personne ne peut rien faire. Prendre soin (thème de l’année à La Visitation) des autres, de tous nos frères en humanité (Cf. Fratelli tutti, la dernière encyclique du pape François sur la fraternité et l’amitié sociale), chercher notamment à éviter la propagation d’une épidémie en évitant les rassemblements, sont des pratiques qui peuvent aider à faire le sacrifice de la pratique de quelques messes.

        La charité peut être vitale.

Vincent Boggio