Prédication du pasteur Marcel Mbenga – dimanche 19 janvier 2020

 

Prédication prononcée en l’Église de Chevigny-Saint-Sauveur

Lectures bibliques Ésaïe 49, v. 3 à 6 // 1 Corinthiens 1, v. 1 à 3
Évangile selon saint Jean 1, v. 29 à 34

        Je ne l’apprends à personne quand je rappelle simplement que l’Évangile de Jean est très différent des trois autres. Et bien que les trois autres se ressemblent fortement, ils présentent pourtant aussi de grandes différences dans leur manière de relater certains événements. Au fond, je veux ouvrir mon propos en soulignant combien ces grands témoins que sont les évangélistes ont essayé chacun à sa manière de nous rendre compte de son Jésus, de sa vision du même Jésus.

        Je n’étonne personne quand je rappelle que de tous les évangiles, L’évangile selon Saint-Jean est l’Evangile le plus critique, le plus contestataire même.

        Le récit qui nous est proposé ce matin a tous les ingrédients de cette critique et de cette contestation. On peut déjà se souvenir que dimanche dernier, nous était proposés le récit du baptême de Jésus par Jean le Baptiste d’après l’évangéliste Matthieu (Matt. 3, 13-17). Or dans l’Evangile de Jean, vous ne trouverez pas trace de ce baptême de Jésus. Autre remarque, quand Matthieu évoque un dialogue entre Jésus et Jean. L’Évangile de Jean ignore cet échange. Et ce n’est pas tout, vous vous en doutez. On peut aussi d’ailleurs remarqué que Saint-Luc évoque même un lien de parenté entre Jésus et Jean. Et il est le seul à nous le dire. Tous les autres évangélistes ignore cette information. Y a-t-il besoin de plus que cela pour nous laisser convaincre que chacun des évangélistes a voulu nous faire découvrir son Jésus ?

        Il me plaît de le rappeler en ce temps et particulièrement aujourd’hui où tous les chrétiens prient ensemble de par le monde pour rendre visible notre unité. Je préfère dire « rendre visible » notre unité car je le crois, unis nous le sommes vraiment. Bien entendu, je n’ignore pas toutes les voix, et surtout les plus officielles qui nous qui nous disent que les chrétiens sont divisés. Si nous les écoutons alors notre prière serait de demander à Dieu de nous permettre de vivre l’unité ou dans l’unité. Nous avons là deux visions valables de l’unité chrétienne. Une première qui proclame l’unité déjà réalisée mais cette unité n’est pas totalement visible. Et la deuxième qui continue à nier cette unité pour la rechercher dans le futur. Vous l’avez compris je préfère la première vision. Mais, puisque la seconde existe et est même la plus répandue et la plus officielle : d’où ma question : Que nous faudrait-il alors ? Qu’est-ce qui ferait que nous puissions accéder à cette unité ? Pourquoi continuer à focaliser sur les grandes différences entre les familles chrétiennes ? Pourquoi ne pas affirmer que malgré tous ces écarts entre nous, nous sommes pourtant unis dans l’unique Christ.

        Il me semble que pour cela nous pouvons nous appuyer sur les grandes différences entre les évangélistes comme je viens de l’indiquer. Il ne sont pas d’accord sur tout. Ils disent même parfois des choses qui nous paraissent contradictoires. Ils ne mettent l’accent sur les mêmes choses. Le Jésus de Jean tel qu’il nous le présente ce matin est tellement différent de Jésus des autres évangélistes. Et pourtant, Jésus n’est pas divisé. Il est le même pour tous.

        Quand nous relisons toute la séquence et le contexte de la rencontre de Jésus et de Jean Le Baptiste, quelques points retiennent plus fortement notre attention.

1. D’abord on peut remarquer que Jean le Baptiste est le premier à reconnaître Jésus et à témoigner de lui. A ce moment-là, Jean est un personnage connu et célèbre et son témoignage n’en a que plus d’autorité. Mais, Humblement, il s’efface. Il s’efface devant celui qui vient et qu’il reconnaît qu’il est plus grand que lui.
Jean baptise dans l’eau, mais il ne baptise pas Jésus d’après l’évangile de ce matin. Son baptême est celui de la repentance (ou conversion). Il n’entre pas dans le débat au sujet de Jésus. Pour lui, Jésus n’en a pas besoin. En tous les cas, pour être plus juste, il n’en parle pas. Jean déclare alors à qui veut l’entendre que Jésus est le Fils de Dieu.
NB. Puis-je faire une petite remarque au sujet de ce quatrième évangile ? L’institution du repas du Seigneur n’y figure pas. Qu’est-ce-à-dire ? Il y a ici des indices qui me semble concordants pour acter la vision particulière de Saint-Jean sur Jésus de Jean

2. On sait par ailleurs qu’alors que Jean le Baptiste n’avait jamais vu Jésus, il l’annonce pourtant – tout coup -, il le reconnaît. Il laisse ainsi une large plage à chacun de nous pour reconnaître ou non à son tour Jésus. N’allez croire, ce n’est pas du tout facile.

3. Il est intéressant de noter le jeu de mots sur les verbes que l’on traduit ici par VOIR. La langue grecque nous donne pas moins de trois mots que l’on traduit en français par voir sinon il faudrait utiliser une longue expression pour les rendre au mieux en français. Et dans notre petit texte ces trois mots grecs sont utilisés ici.
Le 1er est plus basique – Blepein, : c’est voir ;
Le second : Theomaï, serait regarder avec étonnement, en se posant des tas questions ;
Le troisième : Idein, voir au sens de comprendre la portée, le sens… Je vous relis donc le texte : Il nous est dit :

v. 29 : Jean voit (Blepein) Jésus qui vient vers lui. Il le voit dans le sens basique de voir comme tout le monde le voit venir.
v. 32 : Puis Jean voit (Theomaï) l’esprit descendant comme une colombe. Il voit l’esprit avec étonnement en se posant de tas de questions. Et là il est quasi le seul à le voir ainsi.
v. 33 : et enfin, il voit l’esprit (Idein) l’esprit demeurer sur Jésus dans le sens où il comprend la portée de cet événement.

        Voyez chers amis ! Outre la spécificité de l’évangile selon Saint-Jean que j’ai rappelée, il y a cette progression dans la foi du disciple qui nous est ici proposée. Le chrétien est toujours en devenir. Le chrétien est ainsi appelé à passer de la vision simple des choses de la foi, à l’interrogation de sa foi de ce qu’il voit, de ce qu’il entend, jusqu’à une certaine compréhension et tout cela avec l’aide de l’Esprit de Dieu lui-même.

        « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Je termine avec cette confession, peut-être la plus belle sur Jésus et peut-être aussi la plus complexe en particulier pour nous aujourd’hui ou pour nos contemporains qui ont un rapport bien particulier et peut-être même bien distant avec le péché. Il me semble alors que chacun est ici appelé à revisiter cette confession dans les trois sens du voir que j’indiquais tantôt.

        Ainsi, nous découvrons ou nous réaffirmons tranquillement que dans la diversité de nos parcours et de nos sensibilités, dans la diversité de nos appartenances institutionnelles, chacun peut être témoin du Christ à sa manière. Chacun peut accéder à ce devenir, à cette progression du voir : allant de la simple vue (que nous avons en partage) à la compréhension particulière (liée à la singularité de chacun).

        « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. »

        Que chacun en vivre.

        Heureux celles et ceux qui mettent leur confiance et leur espérance en Jésus, le fils de Dieu, l’agneau de Dieu qui construit un pont au-dessus de l’abîme qui nous sépare de Dieu pour nous permettre de voir Dieu si proche de nous.

Amen.

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