Prendre de la hauteur – homélie du dimanche 8 mars 2020

 

        Cette semaine, j’étais en montagne pour quelques jours de repos et de rencontre familiale. Rassurez-vous, je n’ai pas été témoin de transfiguration ! Cependant je n’ai pu m’empêcher de penser à cette expérience qu’ont vécue Jésus et ses amis ; ils avaient éprouvé le besoin de prendre de la hauteur par rapport à l’actualité, aux événements qui les avaient bousculés. De mon côté, depuis ma montagne, l’absence d’informations, d’Internet m’ont permis de me dégager de la psychose engendrée par le coronavirus et autres péripéties électorales et de regarder autrement la réalité. Et je me demande si la transfiguration n’est pas cette expérience qui nous permet d’entrer plus à fond dans la vérité de notre existence. Regardons ensemble ce qu’il en est.

        Tout d’abord parlons du contexte dans lequel se situe cette scène. Pierre qui était fier d’avoir déclaré à Jésus qu’il était le Messie, a appris en même temps de la bouche-même de Jésus que cette aventure avec lui allait mal se terminer, chose que Pierre ne veut pas entendre. Il s’arrête sur un visage sympathique et facile de Jésus qui a connu le succès auprès des foules au début de son ministère. Il se trompe sur Jésus et ne veut donc pas admettre l’échec. Je pense aussi que Jésus est bouleversé par ce revers dans son ministère, par cette incrédulité des foules et des apôtres. Il y a donc nécessité pour les apôtres et pour Jésus de prendre de la hauteur, de monter sur la montagne, ce lieu symbolique dans la Bible, où Dieu se révèle (Moïse, Élie).

        Survient donc cette transfiguration : expérience pour Jésus de relire son itinéraire comme un itinéraire fidèle à l’histoire de Dieu avec les hommes, ce qui va lui permettre de continuer à croire en la promesse de Dieu. Et pour les apôtres, et notamment pour Pierre, cette transfiguration va les inviter à quitter leurs illusions sur un Messie conquérant et victorieux. C’est donc un moment de vérité pour Jésus et ses amis, où tous les éléments disparates de la vie, de l’histoire humaine se mettent en place, s’éclairent mutuellement.

        « Relevez-vous, soyez sans crainte » : parole de Jésus adressée à Pierre et ses compagnons, et à nous aujourd’hui. Devant le cours des événements, devant les informations catastrophiques au sujet du coronavirus, la pollution, les injustices, la perte d’influence de l’Église, la tentation est forte de baisser les bras. Si Jésus nous invite à nous relever, c’est pour être attentifs aux clins d’œil que nous pouvons recevoir des événements, des rencontres, clins d’œil qui éclairent notre chemin. De même il nous demande de réfléchir comment nous pouvons à notre tour être de ces clins d’œil pour les autres. Et l’allusion à Moïse et Élie nous redit la nécessité de nous plonger sans cesse dans la Parole de Dieu, qui a certainement quelque chose à nous dire.

        Je terminerai en revenant à saint Paul, dans sa lettre à Timothée : « prends ta part des souffrances liées à l’annonce de l’évangile ». Non pas en inventant des moyens de souffrir (il y en a assez comme ça), mais en cherchant à voir comment nos souffrances, nos échecs, nos difficultés peuvent concourir à l’annonce d’une bonne nouvelle.

André Jobard

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