Proclamer l’Évangile – homélie du dimanche 12 juillet 2020

 

Proclamer l’Évangile

 

        Proclamer l’Évangile, prêter sa voix à une Parole qui a traversé les siècles, qui raconte la vie d’un Dieu qui s’est fait Homme, et qui contient parfois les mots mêmes de ce Dieu-fait-Homme, c’est un bonheur que je savoure.

        Curieusement, à plusieurs reprises, j’en ai fait des cauchemars, au sens propre.

Dans ces rêves, je suis à la table de la Parole et incapable de lire l’évangile. Tantôt ce n’est pas la bonne page et je feuillette désespérément le livre à la recherche du texte. Alors je me retourne vers le célébrant, prêtre ou évêque. Toujours bienveillant, il m’encourage en souriant. Tantôt ce n’est pas le bon livre ou bien la page est déchirée, alors je cours la sacristie et je fouille sans succès tous les tiroirs. Parfois la sacristie est une bibliothèque géante et je grimpe sur des échelles pour trouver le bon livre. Ou bien je commence à lire mais les lignes suivantes s’effacent une par une. Une autre fois le texte est en grec et je mobilise mes souvenirs de lycéen pour le traduire en direct. Ou bien je lis le texte mais aucun son ne sort de ma bouche… Les fidèles sont toujours très patients alors que la situation s’éternise, Mon regard désolé croise leurs yeux compatissants.

        J’ai cherché sans succès une explication psychologique à ces cauchemars. Puis j’ai pensé que, dans la Bible, Dieu parlait souvent à travers les songes. L’explication était peut-être d’ordre spirituel. La lumière est venue en relisant cette parabole du semeur, une des rares dont Jésus donne les clefs de lecture.

        Le semeur, c’est Dieu ou Jésus, la graine c’est sa Parole, et les sols où elle tombe sont les différents états du cœur de l’Homme. Pour que la Parole donne du fruit, le cœur de celui qui l’entend, la lit, la proclame, ou se propose de la répéter ne doit pas être dur comme la pierre, ni broyé par les épines. Dans mes rêves douloureux, ce qui m’empêche de proclamer la Parole c’est mon péché, le mal qui est en moi, sous toutes ses formes. La compassion du célébrant et de l’assemblée s’explique facilement. Se sachant pécheurs eux aussi, ils comprennent ce qui m’arrive. Dans la préparation pénitentielle, nous demandons la miséricorde du Seigneur avant d’écouter sa Parole pour qu’elle donne du fruit en nous mais aussi pour qu’elle rebondisse et que nous la portions à d’autres. Même dans une bouche pécheresse, l’Évangile reste la Parole de Dieu mais sa transmission par celui qui ne se reconnaît pas pécheur peut altérer sa réception. Les premiers chrétiens essayaient de mettre leur vie en harmonie avec leur message et cette harmonie donnait du poids à ce message et envie à d’autres de les rejoindre. C’est toujours le cas.

        La Parole de Dieu est mieux reçue quand celui qui l’entend perçoit que celui qui la transmet s’efforce de tendre vers le bien. A l’inverse elle peut être rejetée quand elle est trahie par les actes de celui qui la porte.

Vincent Boggio

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