Qui est saint ? – homélie de la Toussaint – 1er novembre 2019

        Quelle image avons-nous de la sainteté ? Peut-être celle de personnages à la mine austère, qui passent leurs journées et leurs nuits en prière, qui ont réalisé des exploits grandioses, ou vécu des expériences mystiques inégalables. Qui d’entre vous aspire à un tel statut ? En tous cas, pas moi, et je ne serai donc jamais saint ! Peut-être la petite histoire que je vous livre maintenant va-t-elle nous parler des saints tout autrement.

        Il y avait un jour, un homme qui avait fait le plein du Zénith de Dijon : une foule considérable venue écouter cette vedette, dans le seul but de se changer les idées, d’oublier les tracas du quotidien, et les inquiétudes générées par le flot d’informations toutes plus alarmantes l’une que l’autre. Que s’est-il passé alors ? Cet homme a regardé longuement cette foule, il a contemplé bien des visages souvent très tourmentés, il a senti une aspiration générale à du neuf. Un grand silence s’est installé, simplement par la présence de cet homme au regard si particulier, si percutant. Dans sa tête ont défilé alors tous ces gens qu’il avait déjà rencontrés sur les chemins de son pays, ces gens affamés de pain, de reconnaissance, de tendresse, de paix, ces gens qu’il avait tenté de remettre debout par son écoute, sa parole bienveillante, par la douceur de ses gestes et de sa parole ; et il se rappelait alors comment ces cabossés de la vie étaient repartis joyeux, parce que tout simplement quelqu’un les avait compris, regardés, écoutés, aimés. Alors a jailli de sa bouche, de son cœur ce mot magique, qui a transporté cette foule toute à l’affût de ce qu’il allait prononcer : « heureux !  Heureux les pauvres, heureux les doux, heureux ceux qui font la paix… » Il n’en fallait pas plus pour que tout ce monde applaudisse à tout crin pendant le longues minutes, tellement ce mot leur faisait chaud au cœur et rejoignait le profond de leur existence.

        Et de retour chez eux après cette soirée inoubliable, dans leurs voitures, dans le tram, ils ne manquaient pas de répéter ce mot de bonheur, découvrant comment celui-ci pouvait être possible, réel, vrai, dans toutes les situations qu’ils connaissent, qu’ils subissent, et que cet orateur avait si bien décrites. Qu’ont-ils fait alors ? Ils se sont empressés de courir dans les cimetières porter sur les tombes de leurs chers défunts des chrysanthèmes aux couleurs si chaudes, si lumineuses dans cette saison automnale, pour dire leur confiance en ces paroles entendues au zénith, paroles qui ont illuminé leur vie et qui ont saveur d’éternité pour les vivants comme pour les défunts. Tout en étant conscients des grands problèmes du monde qui nécessitent des solutions politiques et des engagements forts, ils avaient compris qu’un regard bienveillant, qu’un peu de chaleur humaine, de douceur, de miséricorde pouvait déjà changer la vie. Ils ont relu ensemble un grand texte extrait de leur livre de chevet, qu’ils appellent la bible, et plus précisément l’Apocalypse annonçant que tous les saints, sans être des gens parfaits constituaient ces foules, appelées à participer à la victoire du bien sur le mal, de la vie sur la mort, de la lumière sur les ténèbres. Ils inventèrent alors la fête de tous les Saints, vivants et défunts.

André Jobard

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