Qui est sauvé ? – homélie du dimanche 13 décembre 2020

télécharger au format pdf

 

Qui est sauvé ?

 

        Ouf ! Noël est sauvé. C’était le sentiment général quand jeudi soir les Français ont entendu leur premier ministre annoncer les nouvelles mesures aptes à contenir ce maudit virus. Noël sauvé, qu’est-ce que cela veut dire ? Tout rempli de perplexité j’ai eu envie de demander à Jean-Baptiste son opinion sur le sujet. Se posait à moi la question de comment le rejoindre dans son désert ; j’ai cherché sur ma messagerie électronique : pas d’adresse de Jean-Baptiste ; sur l’annuaire téléphonique, il n’y en a plus. Aller jusqu’au-delà du Jourdain, trop loin et sans l’assurance de l’y trouver. Mais finalement sa voix, qui crie dans le désert m’est parvenue pas plus tard qu’hier soir : il était temps.

        Tout d’abord, à ma grande surprise, il m’a demandé ce qu’était Noël ; curieusement il ne connaissait pas ; il a donc fallu que je lui explique : la crèche, le sapin, les papillotes, le Père Noël, le foie gras, la dinde, les cadeaux, bref tout ce qui fait la joie des familles se retrouvant nombreuses à cette occasion. Je lui ai dit (il n’avait pas vu la télé) que depuis des semaines cette fête était menacée par des mesures sanitaires empêchant tout déplacement et regroupement pendant cette période. Alors quand on a su qu’on pourrait faire la fête, certes moins grandiose que les autres fois, tout le peuple a respiré : Noël est sauvé !.

        Rapidement j’ai eu l’impression qu’il se demandait pourquoi je l’interrogeais sur cet événement, sauvé des mesures de confinement. Quand j’ai prononcé le mot ‘sauvé’, il a réagi car il l’a rapproché de celui de sauveur, et là son visage s’est illuminé, car pour lui le sauveur c’est celui qui doit venir après lui, quelqu’un de grand, quelqu’un déjà présent au milieu de nous, quelqu’un dont il ne se sent pas digne de délier la courroie de sa sandale. Alors il a cherché à comprendre en quoi cette fête de Noël, telle que je venais de la lui décrire, et qui était selon mes dires menacée avait un lien avec ce sauveur qu’il annonçait depuis son désert. Il se rappelait les paroles d’Isaïe (celles que nous avons entendues dans la première lecture) à propos de ce sauveur, consacré par l’onction du Seigneur, envoyé annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération, proclamer une année de bienfaits. Tout cela, tous ces bienfaits d’une importance capitale, étaient donc menacés par la suppression de cette fête ? Le pauvre, il n’y comprenait plus rien du tout.

        Il a alors fait le rapprochement entre notre préoccupation de sauver Noël et l’interrogatoire qu’il a subi de la part des enquêteurs pressés de savoir de quel droit il attirait les foules et les baptisait. Passablement désabusé il s’est dit en lui-même : ils sont tous pareils, mes contemporains et ce peuple en 2020 qui veut sauver sa fête :ils passent à côté de l’essentiel ; ils n’entendent pas cette voix qui traverse les siècles et qui appelle à redresser le chemin du Seigneur. Ils oublient qu’ils sont déjà sauvés , et qu’ils ont tout lieu de se réjouir, que la fête ait lieu ou non.

        Noël sauvé, tant mieux ! Mais notre humanité sauvée, c’est encore mieux. D’où cette grande joie. Merci Jean-Baptiste qui nous a souhaité avant de me quitter un beau Noël.

André Jobard