Réception à la crèche
Aujourd’hui arrivent à la crèche, les derniers de la longue cohorte de tous les intéressés par le curieux spectacle d’un bébé né dans une étable ; ce sont ceux qu’on appelle les Mages. Il nous est raconté par Matthieu qu’ils ont apporté comme cadeaux de l’or, de l’encens et de la myrrhe, riches cadeaux révélateurs de leur condition sociale. Ce geste généreux de leur part a stimulé ma réflexion ; je me suis demandé en effet ce que, de notre côté, nous pourrions apporter à l’enfant Jésus.
Nos silhouettes accrochées aux murs de notre église pendant le temps de l’Avent ont voulu exprimer notre marche vers la crèche ; beaucoup ont été réalisées par les enfants, qui ont mis tout leur cœur à ce travail avec l’espoir bien compréhensible de la venue d’un père Noël très généreux. Des adultes ont aussi écrit leur attente d’une paix dans le monde, dans leur famille, attente d’une santé rétablie, attente d’une vie meilleure. C’est donc avec tout cela que nous sommes venus à la crèche, comme les bergers et leurs moutons. Cela forme un ensemble de présents, de cadeaux bien disparate, et peut-être pas le plus approprié pour un nouveau-né qui avait certainement plus besoin d’une brassière et de chaussons (je cite le chanteur Julos Beaucarne). Mais cela exprime tout à fait que pour Jésus, rien n’est rejeté, toute démarche est agréée, du moment qu’elle vient du fond du cœur. J’aime bien le chant de Didier Rimaud où il met en scène les mages parlant à Jésus « Que feras-tu de cet argent, de ces bijoux, de notre encens ? Nous les avions pris en pensant à nos manières… » Oui dans les réceptions mondaines certains invités offrent les chocolats de la boutique la mieux cotée de la ville, d’autres apportent une tablette, et d’autres rien.
Épiphanie, cela veut dire manifestation, révélation d’une réalité très importante. L’arrivée des mages, venus d’Orient, et donc étrangers à la nation et à la religion juives signe la destination universelle de ce qu’apporte la naissance de Jésus ; il n’est pas la propriété d’une religion, d’une secte, d’un pays, d’une race, du Vatican ; il est pour tous, à la fois individuellement, et collectivement ; on dit qu’il est venu pour le salut du monde (pas seulement de ma petite personne), et donc qu’il n’est pas indifférent à la bonne marche de notre monde, qu’il s’y engage totalement jusqu’à la mort, par le don de sa personne. Tout homme et toute femme de bonne volonté est appelée à bénéficier de ce salut ; la bénédiction de Dieu n’est pas réservée aux gens parfaits, bien dans les ‘clous’, elle peut être donnée à tous, dans la mesure où elle n’est pas revendiquée comme un dû, mais accueillie comme un don gratuit.
La joie ressentie par les mages à la vue de l’étoile après la rencontre décevante avec les responsables religieux de Jérusalem manifeste la puissance d’amour que secrète déjà la présence de cet enfant couché dans une mangeoire. C’est à cette joie que nous sommes conviés, dans la mesure où nous acceptons de venir à la crèche les mains peut-être vides mais le cœur rempli de la confiance que le salut vient encore par les voies les plus fragiles de notre humanité.
André Jobard
7 janvier 2024 – Épiphanie