Saint Luc relit la passion du Christ – homélie du dimanche 14 avril 2019 – Rameaux

       Nous venons d’entendre le récit d’une tragédie, comme si nous étions devant notre poste de télévision ou notre smartphone, peut-être en attitude de voyeurs, à l’affût de l’image-choc, du fait divers insolite, et abattus comme nous le sommes souvent devant une catastrophe. C’est peut-être aussi comme cela que nous ressentons en ce moment notre vie personnelle, les événements du monde, de notre pays, de notre Église : de quoi nous faire douter de tout, de regretter le passé idéalisé, et de conclure avec ces mots sans appel : «  on court à la catastrophe ».

       Les témoins de la passion de Jésus, de son procès, de sa mise à mort devaient penser la même chose, surtout ceux qui avaient misé sur lui, sur ses paroles accompagnées de gestes, de miracles significatifs. Or voilà que saint Luc va nous donner à travers ce récit une toute autre lecture de l’événement, et notamment nous laisser entrevoir une promesse de renouveau : avec saint Luc la résurrection est déjà à l’œuvre dans cette passion de Jésus.

       Déjà brillaient les lumières du sabbat », cette conclusion exprime bien la tonalité de ce récit, placé dans une dynamique de résurrection. Et plusieurs faits l’attestent : alors que Jésus aurait pu sombrer dans la soif de vengeance, qu’il aurait pu laisser le monde politique à ses chausse-trappe, qu’il aurait pu se désintéresser des criminels crucifiés avec lui, qu’il aurait pu jeter l’opprobre sur cette foule qui avait réclamé sa mort, voilà qu’il prend le contre-pied de cette posture bien humaine. En effet il va permettre la réconciliation des deux roitelets de la région, Pilate et Hérode, il va demander à son Père de pardonner à ses bourreaux, il va promettre le paradis à son voisin de souffrances, il va retourner le cœur de la foule des curieux qui s’en va en se frappant la poitrine. Si tout cela n’est pas déjà une résurrection, une lumière dans l’épaisseur de la détresse, qu’est-ce que c’est ?

       Tout cela pour dire que nous avons à lire autrement notre propre histoire, celle de notre humanité en proie à de multiples démons (la violence, l’injustice…) mais qui avance malgré tout sur les chemins de paix : par exemple on a appris cette semaine qu’il y avait eu moins de condamnations à mort l’an dernier, que des dictateurs avaient été destitués par des manifestations non-violentes en Algérie, au Soudan. Peut-être avons-nous été témoins de gestes de réconciliation au sein de nos familles désunies, témoins de démarches allant vers une meilleure prise en compte de la sauvegarde de notre planète. Peut-être également avons-nous découvert de nouvelles solidarités dans l’épreuve de la maladie. Quant à la crise de l’Église, déjà se manifeste la volonté, pour les laïcs, de vivre leur devoir de prendre en mains la vie de leurs communautés chrétiennes.

       Quand nous fêterons dimanche prochain la résurrection, nous affirmerons qu’elle n’est pas simplement le retour à la vie d’un homme, Jésus. Elle est surtout l’assurance qu’au cœur des plus graves situations auxquelles nous sommes confrontés, il y a toujours place à une lumière, à une vie nouvelle, à condition de changer de lunettes et d’adopter comme saint Luc le parti-pris de l’espérance et de la bonté.

André Jobard

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