Semeurs de paix – homélie du dimanche 10 mars 2019

        « Dans l’Esprit, Jésus fut conduit au désert où pendant 40 jours, il fut tenté par le diable ». Avec le carême qui commence, nous voilà nous aussi conduits pendant 40 jours dans le désert, non pas celui du Sahara ou d’autres régions du monde désertiques, mais dans le désert que sont ces moments où tout semble mort, comme la végétation du désert, où les conditions de vie, les raisons de croire et d’espérer sont remises en question. La semaine écoulée a pu nous paraître comme cette terre désolée. Et pourtant c’est bien l’Esprit qui nous a conduits jusque là ! Étrange paradoxe qui doit nous aider à relire autrement les événements qui ont secoué notre Église cette semaine : oui rappelons-nous que ça peut être l’Esprit Saint qui est à la manœuvre dans cette actualité brûlante.

        Revenons à Jésus qui entend ces mots qui ont dû le troubler : « Si tu es fils de Dieu ! » On sent derrière ces paroles, la ruse du démon qui voudrait que l’identité d’un homme lui donne un pouvoir qui va au-delà de l’ordinaire. Comme si le fait pour Jésus d’être fils de Dieu, suffisait pour accomplir des choses hors du commun, et le mettait en haut d’un pinacle. Jésus aurait pu succomber à cette tentation, d’autant plus qu’il avait rencontré un succès considérable au commencement de son ministère ; Il a résisté à cette tentation, grâce à la Parole de Dieu, qui a été pour lui sa seule référence, son seul guide. « Il est écrit », ce sera sa seule réponse.

        « Si tu crois en Dieu, si tu es chrétien ! » Ces mots ont pu longtemps nous faire penser que cette identité de disciples de Jésus nous situait, et situait l’Église à une place particulière au sein du monde, avec des mœurs respectables, des pouvoirs reconnus et à l’abri de toute contestation. Les événements de la semaine nous ont cruellement ramenés à notre humanité. Et comme Jésus, nous pouvons être tentés de sortir de cette situation par nos moyens humains, par le recours à des arguments, tels celui de dire que ce qui se passe dans l’Église se retrouve dans d’autres institutions qu’on n’attaque pas si durement. Ou encore en faisant appel au service de brillants avocats. Ne serait-ce pas le diable qui nous pousserait jusque-là ? Non, poussés par l’Esprit Saint, revenons, comme Jésus, à la Parole de Dieu, plaçons-nous sous son regard et assumons notre fragilité, notre péché.

        L’histoire humaine nous a montré à maintes reprises comment cette volonté de puissance, cette prétention à avoir la vérité, ce goût des manœuvres souterraines pouvaient être facteurs de guerres, de tensions multiples. Assumer ses défaillances, s’en remettre à la Parole de Dieu qui propose un autre chemin conduit à la seule et véritable paix. Les chrétiens que nous sommes sont appelés, et le carême est un temps privilégié pour cela, à suivre le chemin pascal de Jésus, chemin du don de soi, chemin de vérité, chemin d’humilité, chemin de paix. C’est sur cette voie que nous a lancés notre baptême, rappelé par la cuve baptismale placée à l’entrée de l’église. En ce jour où les futurs baptisés de la nuit de Pâques sont appelés à prendre ce chemin (en particulier Aimée Tossou, habitante de notre paroisse et qui recevra les sacrements de la vie chrétienne à la veillée pascale), demandons au Seigneur d’augmenter en nous la foi en sa présence, en son pardon, seul moyen de sortir de notre désert et d’être semeurs de paix.

André Jobard

Télécharger au format pdf