Suivre Jésus – homélie du samedi 25 juin 2022

télécharger au format pdf

Les lectures du jour

Suivre Jésus

« Laisse les morts enterrer leurs morts. Toi, pars et annonce le règne de Dieu » On peut être étonné voire courroucé d’entendre dans la bouche de Jésus cette parole, qui semble dénuée de toute humanité en mettant de côté le devoir élémentaire d’enterrer ses morts. Et cette parole a parcouru les siècles pour justifier toute rupture des liens familiaux que devaient vivre les disciples du Christ voulant se consacrer à Dieu dans la vie religieuse. Et dans la première lecture, l’appel radical par Élie à l’adresse d’Élisée a pu être lu pareillement. D’où la question : que veut dire suivre Jésus ?

Je pense que la première chose est de revenir au contexte dans lequel se situe cet appel. Luc nous dit que Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem. Prendre la route de Jérusalem, pour Jésus, ce n’est pas un simple pèlerinage, comme nous allons à Lourdes, à Rome, au autre sanctuaire. Pour lui, aller à Jérusalem, c’est aller là où sa mission, sa conscience l’appellent, à savoir témoigner de l’amour inconditionnel de Dieu pour tous, et le faire devant les responsables de la religion juive qui voulaient exclure de la tendresse de Dieu tous ceux qui ne respectaient pas la loi de Moïse, tous ceux qui leur semblaient hors du droit chemin. C’était donc à une confrontation violente que Jésus s’attendait, confrontation à laquelle il ne voulait pas, en conscience se dérober. Là était sa vocation d’homme, qu’il voulait assumer totalement.

Alors, quand il invite à le suivre, ne serait-ce pas pour nous éviter de passer à côté de nos responsabilités d’hommes et de femmes, qui avons tous reçu une vocation à accomplir notre existence ? Suivre Jésus, c’est suivre ce que dit notre conscience au fond de nous, ce que nous pouvons appeler aussi l’Esprit Saint. Les résistances à ces appels sont nombreuses, elles peuvent même se couvrir de légitimes excuses, de raisons très humaines (c’est peut-être cela l’allusion à aller enterrer ses morts, ou dire au-revoir à ses parents). Mais attention, nous dit Jésus, ne perdons pas notre devoir que nous inspire notre conscience. Au nom d’une exigence parfaitement louable, on a pu manquer à l’exigence supérieure inscrite au plus profond de son être. Reste alors en nous un goût amer, celui du remord de n’avoir pas été fidèle au rendez-vous que nous donnait la vie.

Suivre Jésus : ce n’est pas nécessairement aller s’enfermer dans un couvent, ou partir évangéliser les confins du monde, ou même s’engager dans le service de l’Église à travers la prêtrise, le diaconat, l’épiscopat. C’est ce que vit la personne qui pendant des années s’est privée de bien des plaisirs pour soigner son conjoint. Ce sont les parents qui doivent accompagner leur enfant adolescent dans ses projets bien éloignés de ce qu’ils avaient projeté sur lui. C’est le curé de paroisse qui renonce à compter ses ouailles pour se mettre à l’écoute des cœurs qui s’ouvrent à la beauté de l’évangile. C’est l’opposant politique qui dans de nombreux pays ose affirmer ses convictions au risque de représailles sévères. Tous les jours, à chaque instant, la vie nous appelle, la vie peut se transformer du tout au tout par un événement heureux ou douloureux. Suivre Jésus c’est consentir à ce qui nous arrive, non par résignation, mais dans la confiance que là s’accomplit notre existence.

C’est saint Paul, une fois de plus, qui résume bien ce que veut dire ‘suivre Jésus’, en affirmant (2ème lecture) que le Christ nous a libérés pour que nous soyons libres : il n’est pas question donc de docilité servile à une loi extérieure, mais de disposition intérieure pour une vie plus intense.

André Jobard
25 juin 2022