Trinité et écologie : un couple insolite
Nous venons de vivre à la Visitation une intense journée autour des préoccupations actuelles relatives à la protection de notre environnement, aux problèmes de l’évolution du climat et de ses répercussions sur l’ensemble de l’humanité. Un sujet qui semble bien loin de ce que l’Église propose en cette fête de la Trinité, concept inventé par des théologiens en chambre, comme certains se plaisent à le dire. Oui Trinité ne fait pas recette, et même dans les manuels actuels des catéchismes, on ne trouve rien sur le sujet. Or, y a-t-il vraiment une opposition, une dichotomie entre ce souci de l’avenir de notre planète, de notre maison commune, selon l’expression de notre Pape François, et le mystère de la sainte Trinité ? Ainsi posée, la question n’attend qu’une seule réponse : non.
Pour preuve qu’il y a un lien très fort entre nos préoccupations actuelles et la sainte Trinité, il suffit de relire le premier texte. Moïse, le vieux Moïse, la veille de sa mort, il regarde sa vie, son histoire avec son peuple. Que voit-il ? Dieu les a accompagnés, il a eu souci d’eux, il les a libérés, il a mis d’énormes moyens pour cela, y compris cette traversée extraordinaire de la mer rouge. C’est donc un Dieu proche, désireux de rejoindre l’humanité dans son aspiration à vivre en paix, en liberté, et je dirais aujourd’hui soucieuse de préserver le riche patrimoine que lui a laissé la création toute entière. Un Dieu proche, donc, comme l’a aussi révélé Jésus, fils de Dieu, avec ses derniers mots sur terre : « je suis avec vous, tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
Un Dieu proche, un Dieu qui, en Jésus notre frère, s’est révélé comme un père qui a le souci de sa progéniture. Et le moins que l’on puisse répondre à ce souci, c’est de nous atteler à satisfaire sa volonté, volonté d’un monde fraternel, réconcilié avec tous les éléments qui composent son environnement. C’est épouser son esprit, celui qui habitait Jésus, notre frère en humanité.
Et ainsi pour célébrer ce Dieu, à la fois père, fils et esprit, il s’agit de rappeler cette proximité avec lui, tandis que nous travaillons à la construction d’une humanité, d’une maison commune où tous ont leur place, où il fait bon vivre. L’écologie, un mot à la mode et parfois utilisé sans discernement, est la réponse que tout baptisé doit mettre en œuvre. Ce n’est pas une option parmi d’autres, c’est constitutif de notre être de baptisé. Par le baptême nous sommes associés à la vie de Jésus, qui a été au sommet du service de l’humanité. Ainsi nous pouvons passer d’une conception de dominant (d’exploitant) sur tout ce qui existe à celle d’un être vivant au milieu d’un environnement avec une place originale, toute empreinte d’humilité (d’ailleurs le mot humilité a pour origine humus ce qui veut dire en latin la terre, le sol) ; et à ce titre j’ai été sensible au témoignage du producteur en bio qui a insisté sur la nécessité que la bonne plante est celle qui est reliée au sol.
Que la sainte Trinité, qui est circulation d’un flux d’amour entre les 3 personnes divines, nous habite. Qu’elle irrigue en nous cette puissance d’amour, qui fera de nous des êtres respectueux de toute la création et de tous ses habitants quels qu’ils soient. Trinité et écologie ? Pas aussi loin l’une de l’autre.
André Jobard
25 mai 2024