Un carême authentique – homélie des Cendres – 26 février 2020

 

        Le Carême nouveau est arrivé ! Oui, comme le beaujolais, chaque année à cette période où la météo hésite entre douceur printanière et froidure hivernale. Carême, synonyme dans nos mémoires anciennes de temps de privations, de sacrifices et autres contraintes. Alors ce soir, j’ai plus envie de chercher avec vous comment ces 40 jours peuvent être un temps merveilleux ; et quoi de mieux pour cela, que de revenir à la Parole de Dieu entendue, et notamment à cette parole de Jésus dans l’évangile, invitant à vivre les 3 pôles du carême (aumône, prière, jeûne) dans le secret, « car ton Père voit ce que tu fais dans le secret. » Pourquoi cette insistance ? Pour nous prémunir de la tentation d’orgueil ? Je ne crois pas que ce soit l’intention de Jésus, même s’il nous demande de vivre dans une certaine discrétion afin d’éviter de nous faire remarquer. Je pense que c’est autre chose, quelque chose qui nous permettra de vivre le Carême de façon renouvelée et heureuse.

        Pour cela j’emploierais volontiers le mot d’authenticité : je sais bien qu’il s’agit d’un concept à la mode (on a soif de transparence, de vérité, de cohérence, surtout chez les autres!) mais je crois qu’il convient bien à ce que Jésus veut nous faire vivre durant ces 40 jours : non pas des actions qui ne nous engagent guère, non pas des petits efforts pour nous prouver que nous sommes forts, non pas des œuvres à aligner comme des trophées en fin de parcours, mais plutôt une descente en nous-mêmes, une soif de retrouver ce qui donne sens à notre vie, une volonté de prendre de la distance par rapport à notre quotidien. Authenticité pour retrouver les fondements de notre foi, pour retrouver le cœur à cœur avec Dieu . Bien sûr tout cela passe par des gestes concrets, par ces balises que sont le partage, la prière, le jeûne ; mais ce ne sont que des moyens, et non des performances à réaliser. Si nous entrons avec un cœur sincère, sans calcul, dans une démarche personnelle pour nous retrouver et Le retrouver, alors bien des points obscurs de notre vie s’éclaireront, bien des épreuves déboucheront sur l’espérance, bien des liens nouveaux se noueront avec tous les frères.

        Pour illustrer cela, cette démarche de gratuité, je citerai ce qu’un prêtre espagnol avait dit à ses étudiants qu’il avait fait monter au-dessus de la cathédrale de Burgos : « vous voyez toutes ces sculptures, ces pierres ciselées, telles des dentelles, elles ne sont pas visibles d’en bas. Les artistes qui les ont créées ne l’ont pas fait pour être vues des hommes, mais de Dieu : c’est peut-être le secret de leur beauté ». Il semble que notre carême, s’il est vécu par chacun de nous, dans cet esprit de vérité, de sincérité, dans cette rencontre intime avec le Seigneur, sera source de joie, pour nous-mêmes, pour nos communautés, pour le monde qui nous entoure : un monde qui n’attend pas des chrétiens qu’ils soient des êtres tristes, ou des héros, mais tout simplement des hommes et des femmes, bien situés dans leur humanité, bien situés dans leur lien avec Dieu.

André Jobard

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