Une double guérison – homélie du dimanche 24 octobre 2021

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Une double guérison

 

         On était en 2021 ; alors que le monde peinait à se remettre de l’attaque d’un affreux virus, une institution réunie autour d’un certain Jésus, traversait avec lui ce monde travaillé par d’innombrables défis et de grandes souffrances. Au bord du chemin gisaient des blessés, des aveugles, des boiteux, des affamés, des enfants violés, qui criaient désespérément leur misère, au point d’agacer l’institution qui ne voulait surtout pas que son maître et seigneur soit dérangé par ces importuns. Étonnamment et heureusement elle fut stoppée dans son refus de voir le mal par ce maître, en la personne d’un grand fonctionnaire de la République qui l’invita à regarder autour d’elle, à ne pas s’enfermer sur ses principes et ses pratiques, pour entendre le cri de ces malheureux. Voilà comment je tente de relire notre douloureuse actualité d’Église à travers ce récit de la guérison de Bartimée, qui pour moi est aussi une guérison de la foule et de l’Église.

         Un récit, que l’on connaît, très expressif : la scène est bien campée dès le début : la foule entourant Jésus, marchant d’un bon pas, et cet aveugle au bord du chemin. Il a dû entendre que passait un certain Jésus, il avait eu quelques échos de sa réputation de guérisseur. Il a l’audace de l’appeler par ce titre ‘Fils de David’, audace parce que le Messie attendu par le peuple d’Israël devait être un descendant de David. Audace que veut refouler la foule soucieuse que le passage de leur idole ne soit perturbé par un gêneur, un moins que rien. Or Jésus va s’arrêter et inviter la foule à parler à cet homme. Ce qu’elle fait à travers cette parole inattendue dans la bouche de ceux qui peu de temps avant voulaient ignorer ce marginal : « confiance, lève-toi, il t’appelle . » Ne serait-ce pas là la première guérison opérée par Jésus à l’égard de la foule ? Aveuglée par son adhésion à sa personne elle ignorait la souffrance de l’homme du bord du chemin, et voilà qu’elle lui adresse une parole qui remet debout, qui va changer leur rapport entre eux.

         Jésus aura alors cette question surprenante : « que veux-tu que je fasse pour toi ? » comme s’il ne savait pas quel était son handicap. Peut-être voulait-il tout simplement lui permettre que la parole revienne chez lui, prisonnier de son passé qu’il n’a jamais pu dévoiler . Ce passé qu’il abandonne en ayant pu le révéler, comme il abandonne son manteau de misère, pour suivre Jésus, devenir son disciple.

         Enfin Jésus ose qualifier la démarche de cet aveugle de démarche de foi, capable de sauver. On peut se demander pourquoi il s’agit de foi, alors qu’il n’a pas fait profession de foi explicitement. Ne serait-ce pas la confiance de cet homme qui a ressenti en lui-même l’appel à sortir de sa triste condition ?

         Aujourd’hui cette parole de Dieu nous est offerte pour que nos yeux s’ouvrent, pour que la parole des victimes de nos silences, de nos démissions soit entendue et les relève de leurs souffrances. Qu’elle soit une force de libération pour toute l’Église, appelée elle aussi à suivre Celui qui nous conduit par un droit chemin sans risque de trébucher (cf. 1ère lecture Jérémie 31, 7-9).

André Jobard

24 octobre 2021