Une parole qui fait vivre aujourd’hui – homélie du dimanche 27 janvier 2019

        Dans les commentaires au cours du repas dominical au sujet des homélies, revient souvent la question de leur durée. « Avec le père untel, c’est interminable, tandis que avec le père Trucmuche on n’a pas le temps de s’asseoir que c’est déjà fini ». Vous connaissez aussi la boutade d’un évêque qui disait de certaines homélies qu’elles étaient longues dès le début. Pourquoi vous parler de cela ? Parce que dans les textes d’aujourd’hui nous sommes en présence d’homélies, que ce soit le prêtre Esdras qui fit la lecture depuis le lever du jour jusqu’à midi, ou que ce soit Jésus, dont le commentaire du passage qu’il a lu tient en 10 mots. Comme quoi saint Paul avait bien raison quand il dit que malgré leur nombre et leur spécificité, les membres du corps forment une seule unité. Oui les dons sont variés, y compris pour l’homélie!

        Personnellement je suis très ému en entendant comment une assemblée peut être touchée par la parole de Dieu. C’est le cas de tous ces gens rassemblés devant le prêtre Esdras (1ère lecture) qui ont été longtemps privés de cette parole pendant l’exil. Au retour quelle joie pour eux de retrouver, à travers elle un sens à leur existence, à cette lourde épreuve qu’ils ont endurée, à cette reconstruction tant espérée mais qui s’avère plus difficile à mettre en œuvre. Et les Juifs réunis dans le synagogue de Nazareth ont certainement soif de réentendre le souffle de la prophétie d’Isaïe que lit Jésus et qui devait redonner de l’espérance à ce peuple en proie au doute et à la peur. Et voilà que Jésus ose affirmer que cette parole trouve son accomplissement aujourd’hui, non pas dans un passé idéalisé (c’était bien mieux avant) ou dans un futur que nous voudrions débarrassé des scories de notre présent. Aujourd’hui la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres, les captifs sont libérés, les aveugles retrouvent la vue, une année favorable s’ouvre. N’est-ce pas prétentieux de la part de Jésus de parler ainsi devant tous ses compatriotes qui aimeraient tant que leur condition politique, économique, religieuse s’améliore ? Comme si je vous disais là devant vous : « ne vous en faîtes pas, vous allez guérir, la France est réconciliée, la lèpre est totalement éradiquée, les pays en guerre connaissent la paix. » Douce utopie, diront certains, accusant les chrétiens d’être toujours en marge de la vie réelle.

        Alors, oui, que signifie pour nous cet aujourd’hui qui voit s’accomplir la parole de Dieu, parole de bonheur, de paix ? En prenant appui sur Jésus, la parole de Dieu faite chair, nous croyons que notre aujourd’hui peut être déjà illuminé par le pardon, par l’attention à l’autre, par l’accueil de celui qui est différent, par la bonté et la douceur, par l’engagement au service de la justice et de la paix. Ce sont les béatitudes qui nous rejoignent  ainsi: heureux les doux, heureux les affligés, heureux les miséricordieux… A l’heure où notre pays s’engage dans un grand débat, après tant de manifestations de colère, il est bon que nous retrouvions la force de la parole, celle qui libère, celle qui construit une fraternité, celle qui redonne du sens et du goût à l’existence. Notre aujourd’hui, il est là, et il peut être porteur d’une très bonne nouvelle.

        Des sermons, des homélies, des discours, point trop n’en faut ; l’important c’est que soit délivrée en acte une parole libératrice, une parole qui procure la même joie qu’ont ressentie les auditeurs d’Esdras et de Jésus.

André Jobard