Une rencontre toute ordinaire
Hier, dans ma campagne nuitonne, alors que l’orage me retenait à l’intérieur de la maison, je me suis mis à la composition de l’homélie de ce jour. Mais démuni de mon ordinateur et en l’absence de documents aptes à m’aider, j’ai pris mon agenda. J’y ai découvert une multitude de rencontres (que je note chaque soir) ; des rencontres qui m’ont fait du bien, même celles qui m’avaient un peu bousculé sur le coup. Je me suis rendu compte que c’est elles, ces rencontres aux formes multiples et diverses, qui apportent du sens à ma vie d’homme et de prêtre, et qui tout compte fait me donnent de croire en l’humanité. Même si celle-ci est plongée dans bien des misères et doit relever des défis gigantesques, je suis comme l’auteur de l’Apocalypse : à travers l’image de la femme victorieuse du dragon, il croit à la victoire de l’humanité sur le mal.
Entendant cela vous êtes en droit de vous demander si je vais enfin parler du 15 août, de la Vierge Marie, de l’Assomption, et comment ma longue introduction peut servir la compréhension de cette grande fête. Il est curieux qu’en ce jour où nous célébrons Marie élevée dans la gloire du ciel, la lecture d’évangile proposée soit le récit de la Visitation de Marie à sa cousine Élisabeth. Il s’agit d’une rencontre entre ces 2 femmes, qui ont certainement beaucoup de choses à se partager après ce qui leur arrivé : donc une rencontre toute simple, qu’on n’a pas de mal à imaginer, nous en vivons tous les jours. Comment expliquer la présence de ce récit proposé à notre méditation aujourd’hui ? Justement ce choix nous appelle à considérer l’importance capitale de toute rencontre. En effet nous sommes des êtres sociables, nous ne pouvons pas vivre totalement repliés sur nous-mêmes, selon le projet de Dieu dès la création du monde. L’accomplissement de notre vocation de créature ne se réalise que dans la rencontre avec l’autre ; et dans la mesure où nous donnons de l’importance à toute relation avec les autres, nous grandissons en humanité, et nous nous reconnaissons enfants d’un même Père, frères et sœurs, appelés à bâtir ce que Jésus appelle le royaume de Dieu. Et en cela Marie a accompli sa vocation dans sa plénitude, la rencontre avec Élisabeth étant le modèle, l’exemple le plus emblématique de ce que peut être une vraie relation humaine. Et si saint Luc a pris la peine de relater cet événement au début de son évangile, c’est bien parce qu’il considérait que Marie, en se précipitant vers sa vieille cousine, réalisait déjà toute la mission qui était la sienne, à savoir donner, apporter son fils Jésus. C’est d’ailleurs pour cela qu’Élisabeth et le fils qu’elle porte en son sein exultent à la voix de Marie entrant dans la maison.
Paul VI, au terme du concile Vatican II, déclarait que l’Église était conversation, que c’était là sa principale mission, entrer en dialogue avec le monde : un dialogue qui se vit chaque fois que les chrétiens vivent la fraternité au cours des innombrables rencontres du quotidien. Le pape François, dans son encyclique ‘Fratelli tutti’ revient sur cette nécessité de la rencontre, qui n’est autre que celle de Dieu avec l’humanité, par Jésus, né de Marie. Et si l’Église en ce jour solennel fête Marie en osant annoncer qu’elle n’a pas connu la corruption de son corps après sa mort, ne serait-ce pas pour dire que nous sommes tous appelés comme elle à aller vers les autres, quels qu’ils soient , sans a priori, et que c’est ainsi que nous recevons la vie de Jésus, mort et ressuscité ? De quoi attacher une grande importance à toutes nos relations humaines, et pour cela d’avoir un bon agenda !
André Jobard
15 août 2023