Déambulation dans un cimetière
En cette fête de la Toussaint je vais vous parler de cimetière ; cela semble d’actualité même si, paraît-il, il ne faut pas confondre fête de la Toussaint et jour de prière pour les défunts demain.Dernièrement, je suis allé sur la tombe de mes parents, et là, j’ai retrouvé une vieille connaissance et tout en parlant nous avons déambulé dans le cimetière. Devant de nombreuses tombes (à nos âges on connaît plus de défunts que de vivants!) nous nous sommes arrêtés, nous rappelant ce qui avait été marquant dans la vie de la personne ensevelie sous cette tombe. D’où ces quelques commentaires :
« Tu te souviens de Marguerite, une pauvre fille, qui n’a pas eu beaucoup de chance dans sa vie, mais qui est restée toujours gaie. Tiens Robert, le Robert, un costaud, un dur à cuire, pas toujours commode, mais quel courage il a eu pour soigner son épouse jusqu’à la fin ! Et puis voilà Jeannette, une femme généreuse, le cœur sur la main : on ne la voyait pas souvent à l’église, mais que de visites n’a t-elle pas faites auprès des malades du pays. Et là, toute la tribu des Dupont : il y en a eu des querelles entre tous ses membres ; faut dire que l’héritage était conséquent, mais il paraît qu’avant de mourir le grand-père a tendu la main à son gendre avec qui il avait eu un profond désaccord. Et ce petit, Anthony, mort à 3 ans, tu te souviens de la peine des parents, immense bien sûr, aux obsèques ils ont demandé de prier pour les enfants victimes de la guerre et de l’injustice : c’était poignant. Et là, Pierre, bien connu dans le village pour son amour du travail bien fait, un artisan hors pair et toujours disponible. Et encore ce couple dont le fils a suivi une trajectoire bien éloignée de leur tradition sociale et religieuse, mais qui n’a jamais exprimé le moindre reproche à son encontre. Et tous ces jeunes tués dans les 2 dernières guerres, dont nous connaissons les familles : que de souffrances, mais aucune révolte ! »
Et ce tour s’est encore prolongé, avec l’énumération de tous ces gens qui ont laissé une trace de leur passage dans nos vies. Ah ce n’étaient pas des gens parfaits(pas des anges non plus, chantait Brassens), mais je pense qu’ils ressemblent beaucoup aux interlocuteurs de Jésus qui l’ont entendu déclarer devant eux « heureux » ; en effet il avait vu ces gens, il les avait écoutés, il avait compris leur fardeau de chaque jour, leur combat pour améliorer leur sort, leurs beaux gestes de fraternité. Il révélait ainsi comment le quotidien peut faire de chacun d’entre nous un saint, c’est-à-dire une personne appelée au bonheur, appelée à vivre de ce royaume d’amour que Dieu veut établir. Les saints que nous fêtons aujourd’hui sont ceux dont l’existence a été imprégnée de ces béatitudes et qui nous disent par leurs choix de vie quelle destinée nous est réservée. Que cela nous encourage à croire que l’important se joue dans notre existence comme elle est, avec ses joies, ses peines, ses échecs, ses réussites.
Au terme de cette déambulation, j’ai rendu grâces pour tous ces gens, hommes, femmes, enfants, vieillards, qui, selon la vision de saint Jean dans l’Apocalypse « vêtus de robes blanches viennent de la grande épreuve ». La grande épreuve n’est-elle pas tout simplement la traversée de la vie, où chaque jour nous appelle à choisir la route du vrai bonheur ? Tous ces défunts nous montrent un chemin de vie, un chemin de bonheur. De là notre désir, bien légitime ces jours-ci, d’aller fleurir leur tombe.
André Jobard
1er novembre 2023 – Toussaint