J’ai soif
« J’ai soif » Je me souviens d’une célébration d’obsèques, où avait été lu ce passage de l’évangile. Elle concernait un homme, mon voisin d’immeuble, dont la mort avait certainement été précipitée par une sur-consommation d’alcool. Il avait surtout soif d’amitié, de chaleur humaine, alors qu’il vivait dans une infinie solitude.
Le mot de Jésus « j’ai soif », prononcé en cet instant si douloureux et si particulier, résume bien son attente, ce qu’il porte sur son cœur, une soif qu’un peu de boisson vinaigrée ne saurait suffire à étancher. Quelle est donc cette soif qui l’habite ?
Certainement le désir que ce qu’il a vécu sur cette terre, son message de liberté, de tendresse envers les plus pauvres et exclus, ne demeure pas lettre morte. A l’heure où il meurt condamné pour avoir ouvert les portes de la liberté face aux dirigeants religieux, il a soif que vive cette attention au respect de tout homme et de toute femme. Nous entendons ces mots de Jésus ce soir comme un vibrant appel à nous, ses disciples de poursuivre ce chemin du service et de l’amour inconditionnel. Oui Jésus a soif de notre engagement à construire un monde fraternel.
Je pense aussi que son cri s’adresse à Dieu, qu’il a découvert comme son Père, ce père vers qui tout enfant se tourne dans la détresse. Il a conscience d’accomplir sa vocation, ce pour quoi il est envoyé. A maintes reprises dans le récit de la passion, il est fait mention de l’accomplissement des Écritures. Il ne s’agit pas de comprendre cela comme une fatalité, comme si tout ce que vit Jésus était déjà écrit. En accomplissant les Écritures, Jésus réalise le projet de Dieu, projet largement déployé dans toute la tradition juive, qui était celle de Jésus, projet d’une alliance éternelle entre l’humanité et Dieu. Oui Jésus a soif que se réalise cette alliance et il s’en remet totalement à son père pour qu’aboutisse ce projet, lui-même étant à cette heure plongé dans un profond et total désespoir.
Comment enfin ne pas lire dans ces mots, l’attente de tous ceux qui ont soif de paix, de justice, de santé, de reconnaissance ? Que le cri de Jésus, « J’ai soif » retentisse à leur cœur comme un formidable signe de proximité et d’amour !
André Jobard
6 avril 2023 – Vendredi Saint