« Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi. » Des mots qui trahissent l’état d’angoisse que traverse Jésus : on le comprend. Et on ne peut pas dire qu’il a joué la comédie, qu’il a fait semblant de souffrir. Tout le récit de cette arrestation, de ce jugement, de cette mise à mort révèle la tragédie qu’il vit. Et derrière cet événement on entend certainement le cri de nos frères et sœurs en humanité confrontés aux mêmes épreuves, la maladie, la guerre, l’exclusion, la torture, la fin de vie ; et peut-être certains d’entre nous vivent-ils cela actuellement. Alors surgit la question : pourquoi cette souffrance, pourquoi m’atteint-elle ? Jésus apporte-t-il une réponse ? Pas vraiment ; loin de la justifier, ce qui serait scandaleux et qu’un certain discours a pu entretenir dans la mentalité chrétienne, il vient seulement la vivre jusqu’à son paroxysme, avec ses dernières paroles si bouleversantes :«Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? »
On sait que c’est par jalousie que les responsables religieux ont condamné Jésus, qui aurait pu éviter cela s’il avait renoncé à ses prises de position, notamment celles où il voulait libérer l’homme de l’emprise des pouvoirs religieux : ses nombreux miracles, ses paroles novatrices, son engagement sans faille pour le respect de la dignité de tout homme, de toute femme lui ont valu cet assaut de violence ; pour cela on dit qu’il est mort par amour pour toute l’humanité.
Et c’est cela qu’ont retenu les soldats qui l’ont crucifié ; ils n’étaient pas experts en théologie, mais à la façon dont Jésus s’était comporté sur son chemin de croix, ils ont compris qu’il ne pouvait venir que de Dieu : « vraiment celui-ci était fils de Dieu ». Sous-entendu, derrière ces mots qui sont une vibrante profession de foi, c’est déjà la manifestation de l’éternité qui émerge de ce désastre ; il est mort, mais il est éternel ; il est vivant, ce que nous célébrerons dimanche prochain. De quoi orienter vers cette éternité toute notre vie avec ses souffrances, ses épreuves, notamment quand elle est portée par un amour immense et vrai.
André Jobard
2 avril 2023