« Jésus se mit à pleurer »
Alors Jésus se mit à pleurer. Les Juifs disaient « Voyez comme il l’aimait ! » La suite de ce texte, beaucoup d’entre vous la connaissent. Jésus fera sortir Lazare du tombeau. Il le relèvera de la mort comme il l’avait laissé entendre en réponse à la Foi de Marthe : « Moi je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. » Ce retour à la vie de Lazare préfigure la Résurrection de Jésus lui-même le jour de Pâques. La Résurrection de Jésus, le nœud de la foi chrétienne, est la clef de notre espérance dans une vie qui se prolonge après la mort, comme l’apôtre Paul, le premier, l’a compris dans sa lettre aux Thessaloniciens, cette lettre que beaucoup d’entre vous ont lu ou fait lire lors des obsèques. Paul dit à ses amis : Jésus nous le croyons est mort et ressuscité ; de même, nous le croyons aussi, ceux qui se sont endormis, Dieu par Jésus, les emmènera avec lui. »
Cette espérance est le moteur de l’équipe d’accompagnement au deuil qui a préparé avec vous la célébration des obsèques. Ensemble, nous avons partagé cette espérance par des paroles et des signes, ceux de la lumière et de l’eau.
Cependant les obséques sont si proches de la mort que les paroles d’espérance en une vie éternelle, étaient difficilement audibles, noyées par le chagrin de la séparation. Pour beaucoup l’espérance est encore à venir. C’est pourquoi j’ai choisi d’interrompre la lecture du passage d’évangile pour mettre en relief un passage étonnant, plein d’humanité. Alors Jésus se mit à pleurer. Les Juifs disaient « Voyez comme il l’aimait ! »
Dieu s’est d’abord fait connaître par ses prophètes. Mais il a fait beaucoup plus. Ce qu’il a fait est simplement inouï. Il s’est fait Homme en la personne de Jésus. Jésus, Dieu-fait-Homme a partagé notre humanité dans toutes ses dimensions. Comme nous il a connu le travail et le repos, la joie et le plaisir, l’amitié et la tendresse. Comme nous il a été tenté et il a douté. Comme nous il a connu la souffrance, et cette souffrance particulière, celle du deuil.
Jésus, l’Homme-Dieu, aurait pu alors se hâter de faire revenir Lazare à la vie. Mais avant de révéler ainsi sa divinité, Jésus, Dieu-fait-Homme a pris le temps de partager en plénitude notre humanité dans le deuil. Il a pleuré, comme nous. Il n’a pas fait semblant. Ses larmes sont le déversoir du trop-plein de sa compassion, cette couleur que prend l’amour quand on partage le chagrin des autres. Ce n’est pas tant la mort de Lazare qui le fait pleurer que le chagrin et les larmes de ses amis juifs et surtout celles de Marie, l’amie si proche qu’elle avait osé essuyé avec ses cheveux le parfum répandu sur ses pieds, l’amie dont il doit maintenant essuyer les larmes.
« Jésus se mit à pleurer. » Dans l’Évangile Jésus ne cesse de nous révéler son Père. Aujourd’hui ses larmes donnent du corps à la tendresse de ce Père, tendresse si souvent chantée par les psalmistes. Dieu tendresse pleure avec ceux qui souffrent. Il ne plaît pas à Dieu que les Hommes souffrent.
Les Juifs disaient : « Voyez comme il l’aimait ! » Ils ont compris que l’amour était le fil directeur de la vie de Jésus, cet amour qui l’a conduit à donner sa vie.
C’est cet amour qu’il nous transmet en nous demandant d’aimer les autres. C’est cet amour qu’il nous donne à travers l’eucharistie que nous allons maintenant célébrer. Sous l’apparence d’une hostie Jésus s’invite en nous, dans notre humanité pour nous aider à vivre en étant pour nos frères un signe de son amour pour toute l’Humanité.
Vincent Boggio
2 novembre 2023