Loin de notre logique humaine
« Les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. » Comment voulez-vous avec de telles déclarations stimuler un enfant à travailler pour obtenir la meilleure place ? Il a de drôles idées, ce Jésus qui ne comprend rien à la psychologie de l’enfant. Et pourtant cette parole en forme de maxime a traversé les siècles et arrive jusqu’à nous ce soir. Pourquoi ? Y a-t-il intérêt à la retenir ?
Nous voilà au cœur de la logique de Jésus, qui ne fait que reprendre celle que le prophète Isaïe attribuait à Dieu : « mes pensées ne sont pas vos pensées, vos chemins ne sont pas mes chemins ». Une logique qui a de quoi nous dérouter totalement. A l’image de ce que notre pape François ne cesse de déclarer, encore aujourd’hui à Marseille, et qui peut en déconcerter plus d’un, à savoir qu’il nous faut sortir de notre indifférence devant le drame des réfugiés et migrants qui frappent aux portes de notre riche Europe. Devant ce drame, l’opinion publique souvent abusée par des propos politiciens à courte vue, se replie sur des considérations purement économiques, sur une peur fantasmée de perte de son identité. Le message évangélique nous appelle à un autre regard, à celui de Jésus devant la souffrance d’hommes et de femmes, d’enfants, errant sur de dangereuses routes en quête d’un peu de vie meilleure, de sécurité. Il s’agit d’une conversion radicale, qui peut réveiller en nous une véritable paix intérieure, avec la conscience que ce chemin, celui de Jésus, est un chemin de vie.
L’actualité, à savoir le drame des migrants, la journée mondiale des réfugiés, la visite du pape à Marseille, tout cela ne doit pas nous empêcher de visiter d’autres aspects de notre vie et de regarder ce qui est appelé à vivre de cette logique de Dieu, à l’inverse de nos propres logiques. La parabole des vignerons met en exergue la bonté de Dieu, qui se joue de nos étroites conceptions de la justice. Nous avons à la recevoir avec reconnaissance, surtout si loin de nous considérer comme les premiers, les meilleurs, nous avons l’humilité de nous savoir bien petits dans notre attention aux autres, dans nos relations empreintes de nos suffisances. Pour Dieu, tel que nous le révèle Jésus, pas de différence, pas d’exclusion… de quoi extirper de nous toute jalousie, et nous rendre plus ouverts à ceux qui sont différents de nous, et compréhensifs des multiples et divers chemins que prennent les autres. Tout récemment encore, j’ai été émerveillé comment des grands-parents avaient accueilli affectueusement la décision de leurs petits-enfants , quand ceux-ci avaient déclaré prendre leurs distances par rapport à la foi chrétienne.
C’est donc toute notre logique humaine qui est bouleversée, une logique mortifère, sans avenir, et qui doit laisser place à d’autres priorités que celles du succès, de son petit confort, de la richesse, de la suffisance. Saint Maurice, dont c’était la fête hier, et ses compagnons sont allés jusqu’au martyre pour témoigner de la vérité de cette logique, celle de l’amour et de la fidélité. C’est toujours à un renouvellement de nos pensées, à une vie nouvelle que nous sommes invités : et sortis d’une approche trop comptable et humaine de nos existences, nous goûterons aux joies de l’avènement d’un monde transformé et fraternel.
André Jobard
23 septembre 2023